Je me demande souvent pourquoi j’écris

Je me demande souvent pourquoi j’écris
sans avoir encore « vendu » mes mots.
Ce que je tais encore émet un long cri
où peurs anciennes vivent fortissimo.

Alors je décris les heures très charnelles
où dans la beauté fortuite je m’absorbais,
oublieuse de la charge tant émotionnelle
de la guerre où la mort était aux aguets.

Et pourtant en mémoire me reviennent
des images de courses dans la nuit noire,
portant, contre mon cœur, la petite chienne
bâtarde rousse et dernier luxe dérisoire.

Reposoir de draps blancs sur des tréteaux,
exposé devant la porte béante de sa demeure,
je me souviens de ce jeune mort si beau,
tué dans le maquis et que sa mère pleure.

Et puis de Rosette, la femme du facteur,
morte, baignant crayeuse dans son sang,
pendant que les femmes parlaient d’avorteur
et de récits d’accouchements sanglants

Et pourtant tous les printemps étaient doux
les amandiers en fleurs fleuraient le miel,
mes genoux étaient écorchés aux cailloux
de mes escapades pour rejoindre le ciel.

je grimpais aux arbres, toujours plus haut
et je me détachais de ce monde démentiel
en m’inventant des histoires et des héros
m’enlevant sur l’écharpe d’un arc-en-ciel