Aux enfants que je n'aurai pas

Aux enfants que je n'aurai pas


Qu’entends-je dans ma tête, d’où viennent donc ces voix,
Qui chantent une comptine de leur timbre enfantin ?
Serai-je devenu fou ? Un dément incertain ?
Je me tâte et me tourne, mais il n’y a que moi.
 
J’aiguise mon oreille et saisi quelques mots
Dilués dans le sang qui bouillonne à mes tempes,
Dans l’effroi qui s’approche, qui se glisse et qui rampe,
Tout le long de mon corps, de ma nuque, de mon dos.
 
J’entendais un « papa », répété dans le vent,
Dans le souffle jauni de la mélancolie.
Je restais silencieux et comme abasourdi
Par la révélation de cette voix d’enfant.
 
Je tentais vainement de renier l’évidence,
Mais la voix résonnait d’un écho singulier
Dont la source venait de ces rêves mordorés
Où je considérais l’échec de l’existence.
 
J’avais une famille dans ces songes obscures
Avec mon Adorée au teint marmoréen
Qui fredonnait un chant à de joyeux bambins
De sa voix cristalline comme une eau qui murmure.
 
Chers enfants faits d’idées et de résignations,
C’est bien vous que j’entends, tenter d’ouvrir la porte
De mon esprit gâteux dont la lumière est morte
Ainsi que l’hypothèse de votre conception.
 
J’ai failli, voyez-vous, à mériter le cœur
De mon enchanteresse, cette maman furtive
Que mon âme espérait, (bonheur à la dérive),
Mais qui a préféré voguer vers d’autres leurres.
 
Vous auriez pu avoir une maman divine
Auréolée de gloire, triomphant de la scène,
Et un papa étrange, perdu dans son Eden,
Entre mers et forêts, arpentant les collines.
 
Nous aurions parcouru le monde et ses mystères
Puis, les soirs, égarés, sous le feu des dorures
Des plus grands opéras où vit la démesure,
Nous aurions écouté la voix de votre mère.
 
Cette vie partagée entre mille passions,
Pensez-vous, chers enfants, qu’elle vous aurait plu ?
Qu’importe la réponse, mes regrets sont à nu,
Epuisés par la foi en l’imagination.
 
Chers fantômes sans futur, je vous aurai chanté,
A travers l’écriture de ce triste poème,
La complainte d’un cœur qui hurle : « je vous aime ! »
A ses enfants chéris qu’il ne verra jamais.

cette complainte triste recèle un certain mal être et n'enlève en rien à la beauté du texte
bises

Le papa que je suis est profondément touché par votre très beau texte!

Merci beaucoup Raymonde, merci infiniment Alain, pour ces retours encourageants qui me touchent.
Amitiés

Oiseau lyre

Superbement mené, touchant dans la mesure, même sans être parent ;-)
Bonne continuation Oiseau Lyre

A nouveau, grand merci Milcow ! Heureux de voir que ces quelques vers trouvent grâce auprès des lectrices et lecteurs du forum !

Oiseau lyre

juste magnifique, bravo!

Ce superbe texte n'est-il qu'imaginaire ou correspond-t-il à un véritable souhait ?

Bravo en tout cas !

( Tu n'es peut-être pas papa mais tu mériterais de l'être).

Avec mon amitié.

Roger.

Merci de tout coeur Brise Sauvage et Roger !
Il n'y a pas de souhait particulier Roger. Ce poème est effectivement adressé aux fruits d'une union qui ne se fera jamais. Mon souhait aurait été qu'elle se fasse, j'aurai donné ma vie pour cela. 
Mais la fameuse "Adorée" en question dans tous mes poèmes a fait d'autres choix, je ne peux qu'accepter et tenter de mon mieux de dissoudre ma déception dans la poésie. Par contre, la vie est pleine de surprises et de rebondissements. Il y aura donc peut-être des enfants un jour, qui sait ? Mais ce ne seront pas ceux de ce poème, c'est une certitude.
N'ayant malheureusement aucune imagination, tous mes poèmes reposent sur du vécu ou du ressenti personnel.
En tous cas, merci infiniment pour ces retours très encourageants, ils contribuent plus qu'on ne peut l'imaginer à apaiser les peines de l'existence.
Bien amicalement,
Oiseau lyre

C'est en effet un beau travail sur la pensée.
Ce poème confond l'imaginaire et le souhait véritable si bien qu'on s'y trompe.

Merci Gérard, je suis très touché par votre appréciation !
Bien amicalement,

Oiseau lyre

Joli !