Complicité avec Charles-Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894)

Charles-Marie LECONTE DE LISLE   (1818-1894)

Aux modernes


LECONTE DE LISLE     Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépis que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin 
De toute passion vigoureuse et profonde.

ELYSE   Cessez donc de parler, à vos mots sommes sourds,
Vous vivez  à cent lieux de nos maux, de nos plaintes,
Rapaces et repus, vous vous moquez des jours
Où nous  mendions un peu, pour oublier nos craintes

LECONTE DE LISLE     Votre cervelle est vide autant que votre sein,
Et vous avez souillé ce misérable monde
D'un sang si corrompu, d'un souffle si malsain,
Que la mort germe seule en cette boue immonde.

ELYSE    Pendant que vous parlez ,après des repas lourds,
De notre pauvreté, de nos mois de contrainte,
Vous nous grevez d'impôts, ainsi que des vautours,
Alors que vous mettez tous vos biens hors d'atteinte

LECONTE DE LISLE     Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches,

ELYSE    Vous vous apercevrez que le peuple est témoin
De tous vos manquements à ceux  dans le besoin
Alors que vous aviez de l'or plein vos sacoches

LECONTE DE LISLE         Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits,
Noyés dans le néant des suprêmes ennuis, 
Vous mourrez bêtement sans un sous dans vos poches.

ELYSE   Mais  nous sommes nombreux, affamés de justice!
 Quand nous vous pousserons  au bord du précipice,
Vous pourrez dire adieux à vos temps de bamboches .