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Si toi aussi, tu entends souvent ton cœur parler à ta plume, viens déposer tes escarpins dans l'empreinte de nos pas.
Tu pourras alors alimenter cette rivière afin qu'elle devienne un fleuve prolifique de douceurs où tous, nous venons à notre tour, pour y tremper notre plume féconde.
Et cet affluent de pensées innombrables finit sa course magnifique dans un océan de lumières.
J'aime cet idée de partage.
Elle devrait régir le monde sans aucune faille.
Pour que nous regardions tous dans la même direction.
C'est pour cette raison que nous aimons tant la poésie... Et les poètes !...
Gérard SANDIFORT alias Sandipoete
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Et cet affluent de pensées innombrables finit sa course magnifique dans un océan de lumières.
J'aime cet idée de partage.
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 Une vie [titre provisoire]

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MessageSujet: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:40

 ~∞~

UNE VIE

~∞~




« Qu'est-ce que c'est ?
- On dirait un saule.
- Où sont les feuilles ?
- Il doit être mort.
- Finis les pleurs.


En attendant Godot,
Samuel Beckett.






___________________________________



A l'attention du lecteur



Je ne crois ni en l'homme ni en Dieu. Je ne crois en rien, si ce n'est au pouvoir des mots, du discours, de la littérature, de changer les choses qui nous entourent, l'ordre du monde ainsi que nous-mêmes en notre fort intérieur. Si néanmoins vous vous entêtez à me demander en quoi je crois, si ma préférence se porte sur le passé ou le progrès, je crois bien être dans la mesure de repousser ces deux propositions ; je crois en la vie, et, surtout, en ce que les mots peuvent en faire, en leur pouvoir représentatif,mais, avant tout, aux tropes (τρόπος).

Cette trame, qui va se dérouler devant vous, elle est tout, dans cette pièce. Cependant, elle est en même temps futile et inexistante. Voyez-vous, il n'y a rien à comprendre. Seule la pièce serait intéressante ici. Mais le problème reste le même. Pour ceux qui penseraient avoir compris les lignes qui vont suivre, vous n'aurez rien saisi. En fait, je pense qu'il est judicieux de vous dire d'or-et-déjà qu'il ne faut pas chercher à en découvrir le sens ; cette pièce, c'est une vie. Imaginée. Fictive. Ou réelle. Peut importe. Elle n'a pas à être enviée. Encore moins comprise — prétende l'avoir entendu serait d'une hérésie ; si vous croyez y voir quelque chose, travaillez à vous en dissuader, détournez-en votre esprit, car là où fuit cette pièce, personne ne pourra vous en ramener. Tâchez donc — œuvrez-y si possible — à ne point vous égarer sur les voies mortifères de la vie, qui, à la lecture de ce qui suit, pourraient bien vous tenter. Prenez conscience que la vie, bien que cadeau naturel, se trouve être le repères de terribles êtres chimériques qui — bien souvent, il nous faut l'avouer, — nous perdent quand on les poursuit sur ces flots méditerranéens.

Surveillez donc les mots, cachez vos yeux et, surtout, ne quittez pas votre corps…



~∞~

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~


« C'est au poëte qu'il est donné de descendre dans les profondeurs les plus intimes de l'âme et de dévoiler ses mystères. […] C'est que le poëte est le premier qui ouvre la bouche à sa nation, et vient en aide à sa pensée en lui donnant une forme dans le langage. »

Hegel



Dernière édition par Frollo le Lun 15 Juil 2013 - 21:52, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:43

PROLOGUE

**

« On meurt le même jour que l'on commence à naître,
On s'oblige au naufrage, entrant en ce bateau.
Naître et mourir n'est qu'un, l'être n'est qu'un non-être.
Il n'y a qu'un soupir de la table au tombeau. »


Pierre Matthieu.

**

Le Prologue, seul



Une rue.

Tombée de la nuit. Pas d'éclairage.

Peu à peu les lampadaires s'allument, mais leurs lumières sont encore faibles.

Au fond de la scène apparaît une ombre. Elle ne doit pas être détaillée. Grossière. L'allure spectrale s'avance au fur et à mesure, contournant plus ou moins les plans d'éclairage. Arrivé sur le devant de la scène, il est surpris par le dernier lampadaire, éteint, qui s'allume d'un coup. Voici un homme grisonnant de faillons vêtu, s'appuyant sur un vieux bâton. Il s'avance encore un peu, s'adosse au lampadaire ; c'est le Prologue.

Tout cela dans un silence religieux.

LE PROLOGUE, au bout d'un moment, coupant un silence dérangeant. — Que dire ? (Un temps.) Bonne question. (Silence.) Pourquoi es-tu venu, d'abord. On ne t'as rien demandé. A toi. Mais il faut bien que tu sortes un peu de chez toi, histoire de ne pas vous ennuyer. Alors tu es venu. (Silence. Il se redresse et fais quelques pas sur la gauche, de profit par rapport au public.) Ah ! J'y suis… peut-être. (Un temps. Il se retourne face au public) Le titre vous a intrigué ? Ma foi, il n'est pas si étonnant que ça, en fin de compte. Tu le verras par toi-même, après tout. Ce n'est pas là mon rôle… enfin, je crois pas. (Sur la droite, à un toit, une lumière s'allume. Une ombre s'y dessine, puis s'évapore aussi vite qu'elle est apparut. Se retournant, le Prologue l'aperçoit et est pris d'un fou rire. Au bout d'un moment, il se redresse d'un coup, se donne une claque. Puis il attend un moment. La lumière s'éteint.) C'est lui. (Un temps.) Qui c'est ? Je vais te le dire. (Un temps.) Je ne sais plus. (Un temps.) J'ai oublié les mots. (Il fait les cent pas. Puis dans un murmure:) Peut-être devrai-je commencer par des mots simples que je connais… Oui c'est ça. (Plus fort.) C'est un insouciant. Puéril, qu'on peut ajouter. Il est abject en soi. (Un temps, pause méditative. Il est pris d'un rire soudain. Même jeu. Puis avec assurance:) Si tu veux en croire mes mots, nous aurons un splendide spectacle, lorsque sa bulle — ahah ! Sa bulle — lorsque sa bulle éclatera. (Il éclate à nouveau de rire. Rire Antipathique et cruel.) Ou quand son cœur éclatera. (Rires plus puissants. Même jeu. A lui même:) Saleté de rire, ne veux-tu pas te taire ? Je perds ma crédibilité. Non. Je perds ma lucidité. Ahah ! C'est le mot. (Au public à nouveau:) Ne m'en veux pas, je suis comme ça. J'y peux rien. (Un temps.) Oui c'est ça. J'ai trouvé le mot. Le mot. Le mot. (Un temps.) Heureux. Ce doit-être cela. Le mot.

 (Un temps.) A-t-il du sens ? J'en doute. Pour toi peut-être. Pour moi… (Un temps. Il réfléchit. Puis en accéléré: ) Excuse-moi d'être d'un franc parlé aussi percutant et radical comme le témoignera à ma place les mots qui vont suivre, — et je n'y peux rien, je vous le jure, — mais il faut toujours dire ce qu'il est et être véridique avec les bonnes personnes — même si je doute sincèrement que tu es une personne agréable tout les jours et très humble et très charitable et très… française en fait — donc, pour tout vous dire, je n'aime pas les concepts. (Il halète.) Quel effort !

 (Un temps. Il respire. Lentement.) Je n'y crois pas. Au concepts je veux dire. Trop abstrait. Pas assez concret. Pas assez imagé pour être compris. Une trop grande part de subjectivité doit-être prise en compte, et ces jugements sont mauvais. (Un temps.) Hérétiques. Tu ne m'en veux pas j'espère ? Très bien ! Moi si. (Un temps.) Enfin, pas moi personnellement. (Un temps.) Tu le verras. Patiente, c'est tout ce que tu as à faire. Ouvre tes yeux et tes oreilles. Voilà. C'est tout. Simple, isn't it ? (Accéléré.) Mais passons car le temps s'écoule et qu'un temps qui s'écoule ne se rattrape pas — loin-de-là, il file très vite et vous échappe — donc reprenons le fil de ma pensée. Où en étais-je où en étais-je où en étais-je ? (Un temps. Quinte de toux.)

 Disons qu'il est heureux — moche mot. Heureux. Heureux… (Il médite. Eclate de rire. Même jeu.) Bref ! Reprenons. Pourquoi est-il comme ça ? (Un temps.) Bonne question. (Un temps.) Non. Je ne peux pas. Réglons notre affaire au plus vite, et tant pis si je vous fais perdre votre temps. (Il retourne auprès du lampadaire et s'y adosse à nouveau.) Pourquoi heureux ? Je veux dire… qu'est-ce que ça veut dire ? Tu le sais ? Non. Moi non plus en fait. Est-ce rire ? Être bien dans sa peau ? Être intégré socialement ou avoir de l'argent ? Avoir une famille ? Tuer ses voisins ? Voler l'Etat ? (Un temps.) Je t'ai donné assez d'exemples ? Je crois aussi. (Un temps.)

 Tu comprends pourquoi j'aime pas les concepts ? Je l'ai dis, déjà. Trop d'abstrait. Et de subjectif. Je sais. (Un temps.) Peut-être toi et moi n'avons pas du tout la même conception des choses… voyons-nous la même chose d'ailleurs ? (Un temps.) Et si je te disais… soleil. Aurore. Boule de feu ? Le matin, tôt ? Couleurs jaunes-oranges dans le ciel. Un ciel plus clair à l'Est. (Un temps.) Oui. Nous devons être d'un commun accord là-dessus. (Un temps.) Et si on te disait quelque chose comme : « Lorsque se leva l'Aurore aux doigts de rose ». C'est la même chose non ? Homère te prendrait-il pour un con en te disant cela ? Sûrement. En fait. Peut-être parce que vous l'êtes. (Un temps.) Trop haute estime de vous-même. Je sais. (Un temps.) Quoi qu'il en soit, n'est-ce pas plus joli ? Ca chante aux oreilles, ça résonne dans le corps, ça tonne dans le cœur. Ca renverse l'esprit. (Un temps.) C'est une image. Une très belle image. (Un temps.) Et pourtant. Et pourtant… (Un temps. Il se redresse, va au bout de la scène.)

 Qu'est-ce que cette phrase ? Métaphore filée. Mais encore ? Personnification. Est-ce tout ? Vous ne savez pas. Je vais vous le dire : un concept. Enfin. (Gesticulations des bras.) Nuançons. C'est une succession de concepts. (Un temps. Accéléré.) Et oui. Le concept est tout dans l'image. Et pourtant il n'est rien. Vous lisez, c'est une image. Mais cette image, c'est le concept qui l'invoque, ou qui la suggère, et qui la suggère. Le concept est l'image. Mais l'image vous fait oublier le concept. Le concept n'est pas l'image. Il est tout et il n'est rien. Tout comme l'image n'est rien sans le concept, mais elle devient tout quand elle vous le fait oublier. (Un temps.) Logique. Simple. N'est-ce pas ? (Un temps.) Faut pas être sorcier pour comprendre. (Silence. Il fait les cent pas. S'arrête au lampadaire. S'adosse. Se redresse. Revient vers le public.) Je ne sais pas pourquoi je vous dis tout cela. Ce n'est pas mon rôle. Permettez-moi que je reprennes le discours pour lequel je suis venu ici. A la base. (Un temps.) Admettons-donc qu'il est heureux. Celui qu'on a vu. Maxime — qu'il s'appelle. Nous nous mettrons d'accord plus tard pour définir ce concept, voulez-vous ? Admettons le sens général, on va dire qu'il est… qu'il est… (Un temps.)

 Et puis flûte. Laisse tomber. (Un temps.) Pourquoi est-il comme ça ? (Un temps.) Bonne question. (Un temps. Fait mine de réfléchir.) A cause de cette fille. Sûrement. Lors… L'or. Non. (A lui-même:) C'est quoi son nom déjà ? Ah oui ! (Plus haut.) Laure. (Un temps.) Laure… (Un temps. Il réfléchit.) Très joli nom. (Un temps.) D'un an son aîné. Leur rencontre ? Un pur hasard. Concours de circonstances ? Peut-être. Je ne suis pas adepte de ces choses-là. Je crois plutôt au destin. Oui. Les olympiens se jouent bien de nous. Là-haut. Enfin. Parfois ils viennent eux-même engrosser nos femmes, vous comprenez. Ca les fait rire. Bien rire. (Un temps.) Terminale. Lui première. Tous deux littéraires. (Accéléré.) Platonique série où seuls quelques scientifiques refoulés, des glandeurs et des simples d'esprits se réfugient pour se sentir moins seuls et moins cons au milieu de la multitude désorganisée d'un ordre social qui les marginalise mais ça ils l'avaient compris et se marginalisaient eux-mêmes en fin de compte mais on s'en fou et je m'en fiche et vous aussi donc passons rapidement parce que j'aimerai éviter d'invoquer le cas des linguistes un peu abrutis par la langue étrangère-non-française-et-moins-belle qui y entrent et qui ont tendance à déloger les littéraires de souche qui forment en réalité la réelle minorité au sein même de la série dite littéraire alors qu'elle ne l'est plus depuis bien longtemps mais cela n'engage que moi voyez-vous mais passons passons passons. (Essoufflé, il inspire et expire lentement. Et reprend:) Un coup de chance donc. Un hasard. Un concours de circonstances. Plus le destin pour moi. Bref. C'est grâce à son idée bien à lui d'organiser ce café littéraire. Qui avait faillit ne pas être. Ce Céline leur avait quelque peu compliqué la vie : démarches administratives. Paperasses. Arguments. Contre-arguments. Recherches. Désinformations. Abrutissement de masse. Publicité de masse. Plusieurs fois il avait baissé les bras. Avec son ami. Un scientifique historien lui. Mais on s'en fou pour le moment. L'important, c'est que ce soit cet événement qui les a plus ou moins rapprochés. (Un temps.)

 Oui. C'est l'important. (Il soupire. Nostalgiquement.) Voilà. C'est comme ça, qu'il se sont rencontrés. A posteriori. Après cela. Après cela… ils se sont vus de temps en temps. Dans leur lycée. Pour parler. Un peu. Puis… (Un temps.) Tout s'est accéléré. (Silence. Il médite.) Un processus s'est activé. Peut-être était-il déjà en marche. Qu'il a accrut. Qu'il a augmenté. Il a fait ficelle, et les a tiré leurs cordes. Simples marionnettes du destin. Il les a brusqué. Ou alors il a brusqué ce qui les entourait. Non. Ce qu'il y avait en eux. Quoi ? Je ne sais pas vraiment. Je m'en fiche. Il a fait diligence, et tout s'est hâté, précipité. (Un temps.) C'est devenu sérieux ? Ou cela s'est ralenti. Ces choses se sont lambinées en leur for intérieur avant de surgir avec empressement. Sauf que le temps avait filé. (Silence.) Il est cruel ce temps. (Un temps.) Laure. Maxime. Laure… Maxime… (D'un ton insipide:) Ils n'avaient que dix-sept ans — bon, elle allait avoir ses dix-huit ans, mais qu'importe. Elle, trop rêveuse pour quitter son nuage. Trop heureuse ? J'aime pas ce mot. Lui. Lui… il ne valait pas mieux qu'elle. (D'un ton rêveur:) Quels fascinants spécimens… (Silence.) Cet imbécile fini reste le plus intéressant des deux. Tout de même. (Un temps.)

 Il croit côtoyer le bonheur — comme nous l'avons vu, ce mot nous reste indéfini ; il en est de même pour lui : il ne sait ce qu'il coudoie réellement… qu'importe finalement ce que c'est, l'essentiel est qu'une force nouvelle est entré en lui. Aiguillonné par cette impulsion soudaine de la vie, de ses godiches mains il construit la maison de sa joie. (Eclat soudain de sa voix, comme s'il était scandalisé: ) Anophtalme créature ! Amorosé par ce qui t'a envahi le cœur ! N'a-t-il pas vu qu'il ne construisait qu'avec de la paille ? (Il pousse un long soupire.) Quel insouciant. Il n'a rien vu. Rien deviné. (Un temps.) Il ne se doute de rien. (Accéléré.) Comment pouvoir se douter de quelque chose quand on est soi-même aveuglé par une cécité inhabituelle qu'a provoqué un obscur sentiment qui occulte et qui fanatise et qui n'a pour autant d'existence qu'un concept abstrait avec un sens abscons et hermétique et absent de suprasensibilité et métaphysique et non-figuratif bien répugnant car on ne peut le définir clairement sans pour autant réussir à en trouver une définition précise et qui le plus souvent nous perd ou nous fait entrer en conflit avec nous-même comme nous l'avons-vu avec ce mot heureux qu'on n'a toujours pas défini mais là n'est pas la question tout en étant là car elle s'est déplacé sur cet abject mot avili sans sens que dis-je qui a trop de sens beaucoup trop de sens mais ça vous vous en fichez mais ce n'est pas grave mais pour lui et pour d'autres si parce que ce mot a le pouvoir le plus mortifier qui soit car ce mot est amour. (Essoufflé par sa tirade, il récupère par bouffée son aspiration.)

 Incompréhensible. Pour le moment. Voyez-vous, mon rôle n'est pas non plus d'être écouté par vous. En fait, il y a autre chose. (Un temps.) Je dois vous amener à lire. Pas à lire la pièce. Non. A lire le destin. A lire l'existence. A lire le réel de la naïveté-extrasensible-hyperémotif-supranaturelle. Vous comprendrez cela plus tard. Je dois vous éduquer. Pour le moment. Je m'y résigne, du moins. (Un temps.) Parenthèse fermée. Pour le moment. (Un temps. Il lève son visage vers les lueurs célestes du ciel nocturne.) Je disais… Oui. Ca me revient. (Un temps. Se retourne à nouveau vers le public.) Il ne se doute pas, oui, que, comme le bonheur en fin de compte, que déjà elle s'enfuit, la jeune Laure. Triste à dire. Mais il faut le dire. Pas pour vous. Pas pour moi. Pas pour lui. Il faut le dire. C'est tout. (Un temps.)

 Il ne pressent rien. Il tergiverse dans sa prise de conscience. Ou alors il est bel est bien aveugle. Il atermoie tout cela. Quoi qu'il en soit, il ne remarque pas que s'évanouit sous son toucher sa découverte. Ce aussi vite qu'elle lui est apparut. Il n'entends pas se lever les azimuts. Sa maison va être emporté, et il n'aura rien prévu. Rien. Il sera désemparé. C'est le mot. Le mot. (Un temps.) Désemparé. Bon mot… (Un temps.) Quand sa maison sera emportée… (Silence. Il éclate de rire. Il se reprend d'une gifle.) Vous savez quoi ? (A lui-même.) Non vous savez pas. (Plus haut:) Je suis prêt à miser mes loques sur le fait qu'il ne restera bientôt que des restes désolés, des vestiges méconnaissables de cette chétive bâtisse ! (Un temps.)

 Je rectifie : il n'en restera rien, en fin de compte. Pas de vestiges. Pas de ruines. Rien ne survivra suite à ce cataclysme. (Un temps. Puis d'une voix éloquente il cicérone:) De la florissante Pompée il en subsistait des trésors parmi les ruines fumantes et engloutie par la suie, de ce jeune romantique naîtra un cadavre pourrissant. (Il se tait. Se retourne, et s'éloigne le long de la rue. Pendant son discours, la lune est descendue peu à peu, le jour ne devrait tarder à arriver. Avant de disparaître par le fond de la scène, il se retourne, lentement. Garde le silence. Fait mine de repartir, mais reste sur scène. Se retourne à nouveau vers le public.) Mesdames et messieurs, observer les réjouissances qu'a procuré cette vie à Dionysos.


Rideau.

[b style="font-weight: bold;"][b style="font-weight: bold;"][b style="font-weight: bold;"]
NB : texte fractionné en paragraphes afin de vous faciliter la lecture. Normalement tout est d'un tenant, un seul paragraphe de 2 A4 !
[/b][/b][/b]

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« C'est au poëte qu'il est donné de descendre dans les profondeurs les plus intimes de l'âme et de dévoiler ses mystères. […] C'est que le poëte est le premier qui ouvre la bouche à sa nation, et vient en aide à sa pensée en lui donnant une forme dans le langage. »

Hegel



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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:44

 ACTE I


**



Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l'instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l'oeuvre de l'existence. C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu, et où se dégagent de l'ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : - le monde des Esprits s'ouvre pour nous.



Gérard de Nerval, Aurelia.



**

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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:45

 SCENE 1


**



Trois amis, des passantes, puis Laure, puis Le Stoïcien, puis Maxime.



Aurore. Jeu de lumières.

Même rue. Trois vagabonds se présentent sur le devant de la scène, s'assoient sur un banc public. Ils discutent, mais on ne les entends pas.

Des hommes sortent des maisons, et partent vers l'arrière de la scène où ils disparaissent. Puis c'est au tour des femmes, certaines se promenant en tenue légère sur le trottoir, faisant les cent pas. D'autres s'en vont s'occuper de leur jardin ou vont s'asseoir sur d'autres bancs.

Jusque là le temps était en accéléré ; les paroles étaient inaudibles, les gens gesticulaient vite. Là, fort ralentissement pour arriver à un pantomime normal.


LE PREMIER — Mattez-moi ça les mecs…

LE SECOND — Quoi ?

LE PREMIER — Là ! Devant ! Elles s’avancent !

LE TROISIEME, portant les mains à sa poitrine et la frictionnant un peu — Les belles paires !

LE SECOND — De quoi ? Mes chaussures ?

LE PREMIER — Mais putain, tu peux pas te décoincer un peu ?

LE TROISIEME — Petit puceau, apprends la beauté des choses. Là, devant toi, regarde. Voilà des femmes. Des vraies.

LE SECOND — Mais…

LE PREMIER, empruntant une voix de séducteur — Regardez-les donc se mouvoir avec grâce, remuant leurs fesses avec une discrétion non moins alléchante…

LE SECOND, le coupant — Ce sont des putes !

LE TROISIEME — Justement !

LE SECOND — Et quel en est l'intérêt ?

LE TROISIEME — Baiser ! Pourquoi regarder quand on peut palper ? Tout est dans l'acte. Vivre ? A quoi bon si tu ne goûte à ces plaisirs ! Rester puceau, aucun intérêt. Saute sur tout ce qui bouge, l'ami. (Silence) Eh quoi ? Tu attends quoi ? (prend un ton traînant, moqueur) Que ta mère avec ses grooos seins tombants vienne te dépuceler ? Et quelle attention maternelle !

Tous rient sauf le second.

LE SECOND — Ahah, quelle blague ! Dois-je te rappeler la soirée de samedi où tu as couché avec ton meilleur pote ? Putain de mentalité…

LE PREMIER — Sans dec' ? Vas-y ! Je savais bien que ton taulard de père t'avait corrompu !

LE TROISIEME — Vos gueules ! J'étais pas dans mon état normal !

LE SECOND — Oui, tu étais bourré…

LE PREMIER — La vie, c'est baiser. Après… qu'importe le sexe, non ?

LE TROISIEME, soulagé — Un trou est un trou.

LE PREMIER — Nous sommes d'accord.

Silence.

LE SECOND — C'est vrai qu'elles sont belles…

Ses deux amis se tournent vers lui.

LE PREMIER — Tu veux y aller ? Vraiment ?

LE SECOND — Oui.

LE TROISIEME — On te charriait, tu sais… tu n'es pas obligé.

LE SECOND, d'un ton assuré, déterminé — Je suis sérieux là ! D'ailleurs, regardez cette fille qui arrive (il la montre ; elle vient tout juste de sortir d'une ruelle connexe.), elle ne semble pas comme les autres… Elle me plaît.

LE TROISIEME — Mais… c'est Laure !

LE SECOND — Qui ?

LE TROISIEME — Laure !

LE SECOND — C'est ça son nom ? J'l'aime bien moi…

LE PREMIER, d'un ton surpris et hésitant — C'est elle que tu vise ? Eh bien… bonne chance…

LE SECOND — Pourquoi ?

LE PREMIER — Plusieurs s'y sont essayés… pas très concluant d'ailleurs.

LE TROISIEME — Il paraît même que c'est une de ces coincées qui ont gardé leurs rêves de prince charmant…

LE SECOND — Vous vous moquez de moi ?!?

LE PREMIER — Du tout, du tout…

LE TROISIEME — Et puis, sans être méchant, elle est trop belle pour toi. Vise un stade intermédiaire plutôt, tu auras plus de chances.

LE PREMIER — Il me semble qu'elle est en couple aussi.

Ils se retournent vers ce dernier.

LE TROISIEME, scandalisé — Comment ? Elle est avec quelqu'un ? Ahah ! C'est la meilleure ! Et mon père a enculé ta mère ! Ahah !

LE PREMIER, avec sérieux — Non, non, je suis sérieux. 'fin, c'est pas si sûr en fait.

LE SECOND — Avec qui ?

LE PREMIER — Vous voyez le pommé qui était avec nous en seconde ? Le pigeon sur lequel on recopiait nos exos de maths ?

LE SECOND — Je vois pas…

LE PREMIER — Mais si ! Le rêveur qui sait écrire !

LE TROISIEME — Attends, ne me dis pas que…

LE SECOND — Non ?! On peut savoir écrire ?

LE TROISIEME, exaspéré par la sottise du second — Mais arrête de dire de la merde ! (se retourne à nouveau vers le premier) C'pas possible qu'ce soit lui !

LE PREMIER — Si… avec Maxime.

Le troisième sursaute sous le choc de la surprise.

LE SECOND — Mais il est laid ! (il se lève, ne pouvant tenir plus longtemps) Ca s'peut pas qu'il soit avec elle ! Elle vaut bien mieux que… que… que ça !

LE TROISIEME — C'est clair !

LE PREMIER — Qu'est-ce que vous croyez, je n'en sais pas plus que vous… On raconte qu'ils sont allés au cinéma et qu'ils sortent souvent ensembles du bahut… A le voir, si vous l'aviez vu, on aurait dit un mec raide, droit comme un balais et prêt à casser…

LE SECOND — Je n'y tiens plus ! Si lui a pu y arriver, je pourrais la tirer en bonne et du forme !

Il s'élance dans la foule, Le Stoïcien apparaît. Il s'écoule un petit moment de flottement pendant lequel les deux amis regardent de leur place leur camarade qui aborde Laure.

LE TROISIEME, au bout d'un moment — Mais quel boulet…

LE PREMIER — Quoi ?

LE TROISIEME — Regarde-le ! Non mais quel con…

LE PREMIER, met sa main en visière, observe la scène qui semble mouvementée — Je confirme ; son manque de tact et de drague la mettent mal à l'aise… il se fait jeter comme une merde…

LE TROISIEME, poussant un cri — Oh !

LE PREMIER, hallucinant — T'as vu ça ? Il s'est prit une baffe ! Ahah ! Mais quel con !

LE TROISIEME — Ca commence à barder, il faut intervenir.

Ils se lèvent alors que Laure arrive dans leur direction, essayant d'échapper au second. Les deux amis les attendent donc là. Le Stoïcien, lui, s'assoit non loin de leur scène de dispute.

LAURE, d'une voix plaintive — Mais laissez-moi !

LE SECOND — Mam'zelle, je veux juste vous inviter à prendre un verre !

LAURE — Je vous ai déjà répondu non !

Il se met en travers de sa route, lui attrape les épaules.

LE SECOND — Y'a des mots qu'j'peux penser, mais à pas dire en société. Moi j'me fou d'la société et d'sa prétendue moralité ; j'aimerai faire l'amour avec toi… (1)

Laure se dégage et lui colle une seconde baffe. Les deux jeunes hommes viennent à la rescousse de leur ami.

LE PREMIER — Mam'zelle il faut vous calmer là !

LE TROISIEME — Eh oh ! Un peu de respect ! Mal polie !

LE STOÏCIEN, intervenant pour la première fois, toujours assis en retrait de la scène — Et c'est vous qui parlez de respect et de politesse ? Intéressant…

Ils se tournent en sa direction.

LE TROISIEME — Mêle-toi de tes affaires, vieillard.

LAURE, d'une voix suppliante — Monsieur ! aidez-moi ! Par pitié…

LE STOÏCIEN — Ce n'est pas à moi de le faire.

LE SECOND — Mais taisez-vous !

LE PREMIER — Eh toi, le manant, dégage de là ! Ne vois-tu pas que nous sommes occupés ?

Le Stoïcien ne bouge pas.

LE PREMIER — Tu m'as pas bien compris j'crois.

LE TROISIEME — Jetons-lui des pierres !

LE SECOND — Occupez-vous de lui, (se tournant vers Laure.) moi j'l'emmène.

LAURE, plus suppliante que jamais, les larmes aux yeux — Au secours ! Aidez-moi ! Monsieur, faites quelque chose ! Appelez à l'aide !

LE STOÏCIEN — La mort est la fin de toute chose, demoiselle. C'est l'étape finale de l'existence humaine. Pourquoi luter contre elle ? Pourquoi la retarder ? puisqu'elle se présente toujours à nous, sans que nous ayons à lui courir après… (Un temps, pendant lequel tous le regardent surpris, stoppant leur activité.) En mourant maintenant vous pourrez éviter de vivre des événements plus… embarrassant qu'un simple viol… (A lui-même.) C'est trop grossier ça… il faut que je trouve quelque chose de plus subtil. (plus haut.) Comment dire… (un temps.) plus cruel que le sort qu'ils vous préparent. (Laure, ainsi que les jeunes amis, restent coi, ne bougent plus du tout, comme pétrifiés.) Vous ne me comprenez pas ? Je ne dois pas parler votre langue… quelle bassesse d'avoir à se résoudre de parler la langue du peuple pour se faire entendre… Des illettrés encore que ceux-là… mais que font-ils à l'école ? Rien apparemment. Rien. Ce n'est pas de leur faute remarque. Peut-être celle des profs. Non. De plus haut. En même temps ils sont trente attardés par classe. Enfin, trente. Au début il doit bien y avoir une dizaine de bon. Mais l'effet de masse. Ca détruit tout et ça les rend plus bête qu'ils ne le sont en arrivant.

LE PREMIER, qui vient de reprendre ses esprits à l'écoute de ces attaques — Dis tout de suite qu'on est des imbéciles ! (lui lançant une pierre) Tiens, prends-ça ! Maintenant tais-toi !

LE TROISIEME, récupérant l'usage de son corps et imitant le premier — Prends-ça !

Les deux jeunes lui lancent encore des pierres puis s'arrêtent ; Le Stoïcien n'a pas bougé de sa place, ne s'est pas protégé : il s'est contenté d'encaisser les coups. Sans rechigner. Stoïque.

LE SECOND — Qu'essqu'c'est ? Il ne crie pas sa douleur, il ne chiale pas comme un gosse !

LE TROISIEME — Qui t'es, mendiant ?

Le Stoïcien ne répond pas.

LE PREMIER, s'approchant de l'homme et lui donnant une claque — Réponds quand on te parle !

Les figurants se sont approchés, arrêtant leurs activités, et un demi-cercle se forme autour du groupe. Laure, toujours maintenue par le Second, les deux amis qui menacent le vieillard de leur poings et de leurs pierres, et les prostituées qui accourent, excitées par le remue-ménage provoqué par l'altercation.

LE PREMIER — Répond !

LE SECOND — Parle !

LE PREMIER — Obéi !

LE TROISIEME — Connard ! On te parle !

LE STOÏCIEN — « Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence ». (Silence incrédule, chuchotements incompréhensibles de la part de cette foule) Epicure. (Silence.) Mais je me doute bien que vous n'en ayez jamais entendu parler… Voyez comment notre pays a régressé… Où est passé la vertu ? Où sont passés ces hommes qui savaient penser et user de la langue française ? Ceux-là même qui étaient amoureux du savoir ? Où sont…

LE SECOND, l'interrompant dans ses reproches — Tu te paye de notre tête !

Huée des passantes.

LE PREMIER, empruntant un ton hargneux, méprisant — Je vais te donner une bonne leçon, vieux fou. Quand je vais t'fracasser avec mes deux poings, tu vas regretter tes paroles ; tu vas pleurer, et quand tout s'ra fini, tu iras courir pleurer dans les jupons du cadavre puant de ta grand-mère ! Ta mère plutôt. Doit être aussi vielle et morte qu'l'autre. Et tu vas voir qu'elle criera en te voyant. Elle t'reconnaîtra. Tu s'ras plus son fils, défiguré comme tu vas l'être, crétin !

A ces mots, les passantes se mettent à pouffer de rire.

LE STOÏCIEN, d'un ton neutre et dégagé — Connaissez-vous Julien Green ? (dans sa barbe) Bien sûr que non…

LE PREMIER — J'en ai rien à foutre !

Entre Maxime à vélo et, alerté par les bruits de la dispute, le pose contre un muret et s'avance doucement.

LE STOÏCIEN — Il a dit que « le silence vaut mieux que n'importe qu'elle avalanche de parole. » Pour faire court, au lieu de me décrire dans l'ensemble ce que tu vas me faire qui, comme tu peux le voir, n'influe en rien mon expression faciale, tu devrais passer à l'acte. Parce que bon, tu n'es pas le seul à parler et à parler, à prédire le futur et à donner de la conviction à tes mots, et qui, au final, n'agit pas. Comme nos politiciens en fait. Sauf qu'ils doivent être quand même d'un niveau supérieur en intelligence. Et encore, c'est pas sûr, aucune épreuve n'a encore démontré leurs facultés à diriger quoi que ce soit. (Un temps.) Mon tempérament semble provoquer ton courroux…

LE TROISIEME, sortant un couteau — Je vais te montrer à qui tu t'adresse le vioc !

Alors qu'il s'élance vers Le Stoïcien, Maxime sort de la foule, s'interpose, le désarme et le blesse au bras. Incrédules, les trois amis reculent puis s'enfuient en courant, laissant Laure hébétée et le Stoïcien tout aussi indifférent. Face à cela la foule quitte hâtivement les lieux pour rentrer chez eux, soudainement conscient de la gravité des événements. Laure quitte la scène, trop choquée pour résister au courant de la foule empressée qui l'emporte au loin. Elle disparaît au fond de la scène avec quelques uns d'entre eux. Restent Maxime et Le Stoïcien.

LE SECOND, au loin — Tu nous le payeras !

LE STOÏCIEN, au bout d'un moment, voyant que Maxime ne bouge pas — Pourquoi m'avoir défendu, jeune homme ? Tu aurais put y laisser ta vie…

MAXIME, se tournant vers son interlocuteur — Je ne sais pas… (il marque une pause pour réfléchir, puis reprends) Je crois que la vie vaut la peine d'être vécue.

LE STOÏCIEN — Vivre pour mieux souffrir ? Intéressant…

MAXIME — Pardon ?

LE STOÏCIEN — Tu m'as très bien entendu.

Silence.

MAXIME, coupant le silence — La vie est pleine de bonne chose vous savez. Regardez, il n'y a pas si longtemps j'étais presque comme vous. Mais je l'ai rencontré, et avec elle le bonheur. Depuis, je comprends le sens de la vie : donner pour vivre, donner non seulement son cœur, mais aussi ses pensées, son corps, son âme. Se vouer à cette personne nuit et jour. Et ce même quand elle n'est pas présente. Vivre pour celle que l'on aime… (Un temps.) C'est la plus belle chose qu'une existence puisse offrir à un homme. (Un temps.) Qu'en dites-vous ?

LE STOÏCIEN — Je dis que la vie n'est que souffrance.

MAXIME — Vous êtes pessimiste.

LE STOÏCIEN — Et toi tu ne vois que du rose.

Silence.

MAXIME — Pourquoi êtes-vous resté stoïque ? N'auriez-vous pas pu vous défendre ? Pourquoi ne pas résister ? Cette jeune femme, Laure, pourquoi ne pas l'avoir aidé ? Si je n'avais été là, vous seul aurait pu l'aider ! Pourquoi ? Pour…

LE STOÏCIEN — Que de pourquoi ! Trop de question. Cela m'importune. (Un temps.) Pire châtiment que de voir le temps passer. Les questions… (Il se lève à l'aide de sa canne) Vous voulez une réponse ? Et si je vous la donne, me laisserez-vous tranquille ensuite ?

MAXIME — Vous avez ma parole.

LE STOÏCIEN — Je l'espère bien.

MAXIME — Je n'en ai qu'une, et je vous l'ai donné.

LE STOÏCIEN — Soit ! Je suis venu, j'ai vu, j'ai vécu.

MAXIME, après un bref silence perplexe — Vous êtes vraiment insensible… je vous plains.

LE STOÏCIEN, secouant ses haillons et se dirigeant vers l'autre bout de la scène suivis par Maxime — Et toi, jeune sot, quand ouvriras-tu les yeux sur ta vie ? Tu as beau connaître des choses — aussi infimes soient-ils dans le monde de la connaissance — tu reste aveugle au reste. Tu penses un monde, mais il n'est pas le tient. Et celui-ci, le monde réel, tu l'as oublié. Mais cela, tu ne le remarque pas. Je te le dis, là, devant toi, mais tu ne me croira pas. Pourquoi ? Parce que tu t'es menti. Et quand tu cesseras d'être aussi aveugle que tu ne l'es, alors tu verras que ton bonheur n'est rien d'autre que la perfide Souffrance déguisée.

Ils sont sortis. On peut encore entendre leurs voix qui se parlent. La rue est déserte. Elle s'assombrit.

VOIX DE MAXIME, d'une voix pas très assurée — Qui vous fait dire cela ?

VOIX DU STOÏCIEN — Je suis venu, j'ai vu, j'ai vécu.

VOIX DE MAXIME — Et encore ?

VOIX DU STOÏCIEN — Je connais ses sœurs, tout comme l'Amour et sa garde-robe infinie.

Coupure des lumières. Eclair.


__________
(1) Référence à L'amour avec toi (1966) de Michel Polnareff.

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« C'est au poëte qu'il est donné de descendre dans les profondeurs les plus intimes de l'âme et de dévoiler ses mystères. […] C'est que le poëte est le premier qui ouvre la bouche à sa nation, et vient en aide à sa pensée en lui donnant une forme dans le langage. »

Hegel



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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:46

 SCENE 2


**



Deux amies, une grande et une petite.



Même décor. Une pancarte fait deux fois le tour de la scène. En gros caractères y est inscrit ceci : « QUELQUES JOURS AUPARAVANT ». Pendant que ces deux amies discuteront sur la place, un garçon sortira d'une maison sur la gauche ; il installera des tables et des chaises qu'il ramène de la maison d'où il est apparut. Quand il aura fini sa tâche, il mettra en place un écriteau où est écrit « BAR CAFE RESTAURATION ».

Entrent sur la droite les deux amies. En silence.


LA GRANDE, montrant le banc — On s’assoit là ?

LA PETIE — D'accord. Je commence à avoir les chaussures souffrantes.

LA GRANDE — Elles souffrent ?

LA PETITE — Elles me font ce coup là dès que la distance à marcher devient trop longue. Je me demande ce qui m'a prise de les acheter.

LA GRANDE — En tout cas elles sont bien belles.

LA PETITE — Mais pas pratique. Asseyons-nous, donc. (Silence.) Tu voulais me parler, Laure ?

LAURE — Oui.

LA PETITE — Alors lance-toi, je t'écoute.

LAURE — Je… (Un temps.) Je… je ne sais plus.

LA PETITE, d'un ton apaisant — Je ne vais pas te manger.

LAURE — Mary je… c'est… compliqué…

MARY — C'est pour ça que je suis là. Prend ton temps, je ne suis pas pressée. (Pour elle:) Pour le moment du moins.

Silence.

LAURE, d'une voix pas très assurée — Je crois que… je suis amoureuse.

MARY, s'exclamant — Foutaises ! On l'est ou on ne l'est pas, mais on ne croit pas ! L'incertitude c'est déjà le début du doute, et quand on doute, qui sait où est-ce qu'on peut aller, avec ces questions… sûrement très loin… On peut ne pas en revenir, de ce voyage involontaire tu sais… c'est dangereux. Il faut que tu te décides.

LAURE — Comprend-moi ! Mary ! C'est nouveau pour moi… je… je vis un conte de fées… avec lui.

Silence. Laure fait des moues nerveuses. Mary, qui n'en revient pas de ce qu'elle vient d'entendre, se contente de la fixer du regard.

MARY, brisant le silence — C'est à dire ?

LAURE, nostalgique — Je ne sais pas… je… (Mary se lève, comme agacée par ces dernières paroles de Laure.) Attends ! Je vais te dire ! (Son amie se rassoit.) Depuis qu'on a commencé à se parler, je n'arrive plus à ne plus lui parler. (Un temps.) C'est… bizarre de te dire tout ça, même si j'ai l'habitude, de te raconter ma vie. (Un temps.) Tu ne parles pas ? (Son interlocutrice fait la moue.) Ah, c'est pour mieux m'écouter… (Un temps.) Chaque soir il faut qu'on se parle. Je ne peux pas m'en empêcher. On parle de tout, de rien. Surtout de rien en fait… c'est… simple, comme conversations. Et puis… on se retrouve au lycée, tu sais, quand je disparaît. Tu as dû te douter de quelque chose. Et donc on se retrouve, de temps en temps, comme ça, à la récrée, ou sur des heures vacantes. C'est sympa. (Un temps.) Et… on regarde des films aussi. En même temps. Les mêmes films tu sais, qu'il me passe, que je lui passe, et puis, chez nous, derrière nos écrans, on regarde, et on les commente sur facebook ou par texto. C'est amusant, les remarques qu'on peut avoir. (Elle rigole bêtement.) Il me fait rire…

MARY, sur un ton de reproche — Et alors ?

LAURE, surprise — Quoi « et alors » ?

MARY — Il y a beaucoup plus concret que de rester derrière un écran…

LAURE — Je sais… mais…

MARY — Mais quoi ?

LAURE — On va au cinéma ensemble…

MARY — Quand ça ?

LAURE — Demain.

Silence. Les deux amies s'observent. Mary se détend. Laure sourit.

MARY — Je lis ta joie dans ton regard. On est amies depuis toujours, et on se dit toujours tout. Je le vois, en toi, que tu es heureuse ; c'est ta personnalité qui me rend ton bonheur. C'est magnifique, de te voir comme ça. Tu le sais ?

LAURE, exaltée — Oui ! Je… je n'arrive pas à décrire tout ce qui se passe, là, maintenant, tout le temps en fait, en moi. Hors de moi parfois. C'est… magique… féerique !

MARY — Je suis vraiment contente que tu te sois trouver quelqu'un qui te rende ainsi. Sincèrement. (Un temps.) C'est vraiment beau à voir.

LAURE, en l'enlaçant — Oh merci Mary ! Je t'adore !

MARY — Tu es mon amie, ne l'oublie pas ; tu ne peux rien me cacher.

LAURE — Je sais pas ce que je ferais sans toi.

MARY — Moi non plus…

Elles se séparent. Silence.

MARY — J'aurais aimé vivre ce que tu vis-là, avoir ton innocence… être sans expérience des histoires de cœur… mais j'ai perdu ces vaines illusions… tu le sais, ça. (Laure se rapproche et pose sa main sur son épaule.) Tu as de la chance…

LAURE — De l'avoir rencontré ?

MARY — Entre autre, oui.

LAURE — Un coup de chance… si je l'avais su plus tôt…

MARY, la coupant d'un ton sec, énervée — Tu n'aurais pu le savoir.

Silence. Atmosphère tendue. Laure a une mimique de personne qui ne se sent pas à sa place.

LAURE — Excuse-moi. Je suis désolée pour ce qui t'es arrivée avant… tu n'as pas eu de chance…

MARY — Mais non, ne t'excuses pas. Ce n'est pas ta faute, ne t'en fais pas. (Puis tendrement:) Chut. Ne t'en fais pas. (Un temps.) Avec ce que tu m'as dis là, l'espoir de vivre un jour la même chose, ce rêve, ces anciennes illusions d'enfant, cet espoir me revient, et je me surprends à espérer à nouveau ce bonheur, de vivre pour la première fois une expérience semblable.

LAURE, en l'enlaçant — Oh merci Mary ! Je t'adore !

MARY — Tu es mon amie, ne l'oublie pas.

LAURE — Tu es une fille géniale tu sais ?

MARY — Je sais, c'est pour ça que tu te confies toujours à moi.

LAURE, après un temps — Tu es très modeste, comme toujours.

MARY — Je sais.

Elles rient.

LAURE, reprenant son sérieux — Allez, ne doutes plus. Tu le trouvera, l'homme qu'il te faut.

MARY — Peut-être bien que oui, peut-être bien que non.

Elle glousse toute seule.

LAURE — Je sais pas ce que je ferais sans toi.

MARY — Moi non plus…

Elles s'enlacent puis se séparent.

LAURE, doucement — Je dois y aller.

MARY, résignée — D'accord.

LAURE — Merci de m'avoir écoutée parler !

MARY — De rien, c'est normal. (Elles se font la bise.) A bientôt, et tiens-moi au courant !

LAURE — Promis !

Laure sort.

MARY, debout, seule — Je l'envie… (Silence.) Tu es ma meilleure amie, et je t'envie… Tu es partie, tu ne m'entends pas, mais je te le dis : je t'envie. C'est ton premier vrai amour, depuis que je te connais, qui se concrétise et… par ce qui émane de ta personne, je ressens qu'il est magique ; c'est un bien précieux qu'il te faudra garder coûte que coûte. Depuis que je te connais, tu vis dans une bulle qui t'es propre, je dois dire ; tu crois encore et toujours, alors que tu vas les avoir, tes dix-huit ans, au prince charmant… J'ai essayé de te faire comprendre qu'en ce monde, c'était fini ! Que tout cela, c'était du flan, inventé pour préserver le plus longtemps possible la naïveté de ces enfants… et pourtant, on voit bien que très tôt ceux-ci n'ont plus ces illusions enfantines… et pour cause ! Ils deviennent tous les ingrats espoirs d'une société en décadence… Mais tu ne m'as pas écouté, et tu as tenu bon. J'ai essayé de te faire voir la réalité de notre monde, et ce pour ton bien, pour t'éviter des souffrances inutiles et dévastatrices… mais, finalement, tu as bien fait de rester sourde à mes remontrances. Tu as rencontré un type bien, et tes rêves vont se réaliser, j'en suis sûre. (Un temps.) Je suis contente pour toi car, jusqu'ici, tu n'avais jamais connu l'amour. L'Amour. (Pause.) J'espère seulement que tu réalise la chance que tu as ; des jeunes hommes comme lui, ça n'existe plus… du moins, ils sont une espèce en perdition face à notre jeunesse de débauchés pseudo-épicuriens — car ils sont plus hédonistes à mon sens. Je n'ai connu que des déceptions, et tu le sais… Ce trésor que tu as découvert, il te faut le préserver de la vie elle-même. Voilà tout ce que je peux te dire d'expérience. (Pendant tout le monologue, elle marchait à reculons vers le bout de la rue, puis elle disparaît dans les coulisses. La scène vidée de sa présence, on peut entendre résonner ces dernières paroles:) Je suis heureuse que tu l'ai rencontré.

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« C'est au poëte qu'il est donné de descendre dans les profondeurs les plus intimes de l'âme et de dévoiler ses mystères. […] C'est que le poëte est le premier qui ouvre la bouche à sa nation, et vient en aide à sa pensée en lui donnant une forme dans le langage. »

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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:47

 SCENE 3


**



Laure et Maxime.

Même décor.

Jeu de lumière imitant un levé de soleil, puis un crépuscule, la nuit. Même jeu pendant cinq minutes, ou le temps de faire s'écouler ainsi trois jours au minimum. Les tables du bar ont été ramenée et remise pendant ce laps de temps à chaque fois que s'écoulait les jours.


Laure apparaît, tranquille, sur la droite de la scène. Elle se dirige vers la terrasse du café et s'assoit à une table.


LAURE, seule — Il n'est pas là. Pas encore. Bientôt… ou jamais… (Un temps.) Silence ! Laissez-moi, je ne doute pas ! Je n'ai jamais douté. Il viendra. (Elle se tortille sur sa chaise. Regarde à droite, à gauche. Met sa main en jumelle. Soupire.) Il finira par venir…


Maxime entre en courant, s'arrête brusquement devant elle.


MAXIME, mécaniquement — Excuse-moi ! Je suis en retard. Vraiment, je suis désolé, mea culpa, ce n'est pas… je n'aurais pas dû, je sais pas pourquoi… c'est ma faute je…


LAURE — T'en fais pas. (Maxime reste debout.) Assis toi, je ne vais pas te manger.


Laure rigole nerveusement. Maxime, dans un brouhaha de raclement de chaises, s'assied.


MAXIME, au bout d'un moment — C'est embarrassant, d'être en retard… je ne me suis jamais encore senti aussi gêné. Tu m'excuseras, j'espère… ce n'est pas ma faute après tout. Je… je ne sais pas. Ca ne s'est pas passé comme prévu…


LAURE — On ne pouvait pas prévoir, allez, passons à autre chose.


MAXIME, se reprenant — Tu as raison, Laure. Ô combien serais-je désolé, n'étalons pas plus longtemps mes vaines excuses, car le temps file à grand pas, et bientôt nous n'en aurons plus pour nous deux. Profitons de l'instant présent, celui qui s'ouvre à nous. Là. Maintenant. (Laure pose sa tête entre ses mains, coudes sur la table, entraînée par les paroles du jeune homme.) Je vois que tu as apporté le soleil… (Un temps.) Non. Tu n'as rien fais. (Laure se redresse sur sa chaise.) Oui, je me trompe. (En souriant:) C'est toi, mon soleil.


Sa chaise casse. Il tombe à terre. Les responsables accourent. Paroles inaudibles. La chaise est reconstruite avec un marteau et des clous. Maxime se rassoit devant les yeux alertés de ses bienfaiteurs fixés sur sa chaise.


LAURE — Je suis contente que tu sois là.


MAXIME — Moi aussi.


LAURE — Tous les deux, ensemble…


MAXIME — Toi avec moi… C'est génial.


Silence. Ils mangent leur chocolat offert avec le café et le chocolat chaud qu'ils ont commandé.


LAURE — J'ai hâte.


MAXIME — Pour le film ?


LAURE — Oui.


MAXIME — Il m'avait l'air bien, sur la bande d'annonce.


LAURE — Tu m'étonnes, c'est Tim Burton !


MAXIME — Il sera à l'heure, lui.


LAURE — Oui, pas comme toi. (Rire.) Allez, arrête de bouder, ça va être cool.


MAXIME — Je n'y peux rien, je suis comme ça. Je suis nul. Voilà. C'est dis. Nul. En même temps il n'y a que moi pour…


LAURE — Arrête de te rabaisser, je ne t'en veux pas ! Ce sont des choses qui arrivent, c'est le destin.


MAXIME — Le destin… (A lui seul.) Pas très convaincu de ça. (Tout haut.) Je gâche tout.


LAURE — Chut, tais-toi. Voilà. Parlons d'autre chose. (Un temps.) Il fait beau.


MAXIME — Oui… Le ciel est bleu. (Un temps.) Cet océan infini reflète tes yeux.


LAURE — Mais encore ?


MAXIME — Mais encore ? (Rire.) La vie y prend des tons furibonds, des allures extravagantes. Des rayons dansent ici et là, tel tes cheveux balayés par les vents, taquinant les nuages, réchauffant ta douce peau, brûlant la mienne…


LAURE — C'est vrai que t'as une peau sensible en fait.


MAXIME — Ah mon plus grand dam !


LAURE — Ca arrive.


MAXIME — En effet.


Entre le mendiant, vêtu de la même manière que le Prologue et que le Stoïcien (même acteur).


LAURE — Le bac arrive, ce n'est plus qu'une question de temps.


MAXIME — Courage, tu vas l'avoir. Tu as beaucoup de révision ?


LAURE — Assez. Et toi ?


MAXIME — Ca va, ça va… (Un temps.) Ce serait embarrassant si j'arrivais en retard.


LE MENDIANT, s'introduisant dans la conversation — Mais tu es en retard. (Laure se lève d'un bon, la chaise de Maxime casse à nouveau. Il se redresse et va aux côtés de sa copine.) Enfin, jeune femme, toi, tu es ponctuelle… Non. Tu es en avance. Bien plus en avance que ce jeune homme qui t'accompagne. Oui. C'est ça. Parce que lui, il retarde.


Laure se colle à Maxime.


MAXIME — Taisez-vous ! Pourquoi dites-vous cela ? On ne se connaît pas. Disparaissez !


LE MENDIANT — Non. Vous. Partez. Abonnez votre partenaire. Maintenant. Ou subissez. Quoi donc ? Le malheur de l'hypocrite bonheur.


LAURE, bas, à Maxime — Allons-nous en…


MAXIME — Il est fou, laissons-le.


LE MENDIANT — Je ne suis pas fou. Non. Mais vous… vous… (Rire.) Vous êtes aveugles. (Explosion de rire. Echos d'haut-parleurs pour amplifier l'effet.) Vous êtes aveugles ! Ce traite de Bonheur vous a bandé les yeux ! (Soupire.) Il vous a bandé les yeux. Pauvre de vous… (Un temps.) Je vous apporte Vérité et Lumière, mais vous me fuyez. Vous me chassez. Je ne cherche qu'à vous aider. Et vous me chassez. (Un temps.) Je cherche à vous aider, à vous préserver. Je vous retiens, mais rien n'y fait. Vous voilà. Déjà. Partis.


MAXIME — Pousse-toi, on s'en va.


Laure et Maxime s'en vont.


LE MENDIANT — Fuyez, fuyez… Mais tôt ou tard. Vous verrez. Il vous trahira. (Rire.) Qui ? (Rire.) Le Bonheur. Il vous trahira. Sournois.


Extinction des lumières pour le changement de décors.

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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:49

 SCENE 4


**



Laure, seule.



Chambre rose. De jeune fille il s'entend. Pubère. Accessoires muraux typiques. Lesquels, il en importe peu. Bien cliché. Telle est la seule exigence ; bien cliché. Caricatural à l'extrême. Si on veut aller dans l'excès. Peluches. Plein de peluches. Des barbies. Des posters de princes-charmants, de héros romantiques, de beaux acteurs, etc… Mur de droite, tourné obliquement vers le public, un miroir. Grand miroir. Debout, devant, on peut s'y voir. Entièrement. Accessoires de chambres épurés ; ne reste qu'un simple lit, une toilette, une table avec un peigne. Peut importe leur disposition, tant que cela ne gêne pas le mouvement de Laure. Indication quand à la table au peigne ; à gauche du miroir.


Laure entre dans la pièce par la porte. Au fond à gauche. Elle s'avance. Saute sur le lit. Soupire. Se redresse. Reste là, pensive. Elle tâte ses cheveux, remarque qu'elle est décoiffée. Elle se relève, va vers la table, saisi le peigne. Elle se recule, se positionne face au miroir et de profit pour le public. Elle se brosse un peu. Marque une pause.


LAURE, après un soupire nostalgique — Ce fut une superbe journée. (Un temps.) Authentique… Inoubliable. (Un temps. D'un coup elle fait un bond à gauche.) Ô crépusculaire mémoire ! Rends-moi donc cette expérience, vite ! Je veux. La. Là. Il me faut ! J'en ai besoin ! (Un temps. Puis dans un sursaut d'émotion.) Il était là ! (Elle se repositionne à droite.) Et moi j'étais ici. (A l'aide de ses bras elle fait de grands gestes. Toute excitée, elle parle à moitié en accéléré.) Nous étions là, assis. L'un contre l'autre. Dans cette salle noire. L'obscurité nous encerclait. Des bruits s'amplifiaient, diminuaient. Il faisait noir. (Un temps.) On ne voyait rien. Plus que des ombres. Devant cet écran. Puis le film est parti. (Un temps.) Et dans cette obscure clarté, je le sentais. Près de moi. Je l'entendais, qui respirait. Ou qui me caressait du regard, en coin… — s'il croit que j'avais pas remarqué… Cette main, qui allait et venait sur sa cuisse, ou sur l’accoudoir. Qu'il ne savait où mettre. Elle semblait douce. Elle était… c'était la main d'un littéraire. Mais… (Elle soupire. Son ton baisse, comme si elle ressentait un profond déboire.) Il ne m'a pas touché.


LE MIROIR — En avance. Laure. Pas l'heure. Ne le soit pas. Avance. Temps. Ce n'était pas. Patience.


Laure se replace devant son miroir. Elle n'est pas étonnée.


LAURE — Pourquoi dis-tu cela ? (Silence.) Et pourquoi ne fais-tu pas de phrase correcte ?


LE MIROIR — Je ne sais pas. (Un temps.) Ca parle ?


LAURE — De ?


LE MIROIR — Un miroir. Ca parle ?


LAURE, après réflexion — Je pense. Oui. C'est plausible. Bien sûr, si tu me parles.


LE MIROIR — Musset avait bien une Vision qui lui parlait ? Bon… ce n'est pas un exemple… pas très bon cet exemple… il faisait nuit, il devait être fatigué. Sûrement. Sans parler de cette femme au nom d'homme qui l'avait abandonné. Quoique c'est difficile à expliquer.


LAURE — Donc, oui, il est plutôt logique que tu puisses me parler. Ca coule de source. C'est d'une évidence !


LE MIROIR — Bon. Alors je peux parler correctement.


LAURE — Dis-moi pourquoi.


LE MIROIR — L'évidence n'est qu'une notion bien abstraite. (Silence. Laure réfléchie. Ne parle pas. Puis il reprend : ) Tu me demandais ?


LAURE — Je ne sais plus… mais je suis assez étonné que tu puisses raisonner. (Silence.) Tu es un miroir très spécial en fin de compte. (Un temps.) Ah ! J'y suis !


LE MIROIR — Tu y es ?


LAURE — Oui ! Dis-moi pourquoi.


LE MIROIR, hésitant — Ben… en fait… je ne savais pas que je pouvais parler. Alors… j'ai dis ce qui me passait par l'esprit. (Pour lui: ) J'ai un esprit ? Je… ne comprends plus. Pas. Rien. Fou ? Non. Mots ? Esprit.


LAURE, coupant sa réflexion — Ah bon… (Un temps.) Non ! C'est pas ça ce que je voulais savoir. Enfin, si. Mais plus maintenant. Je voulais… oui, c'est ça. Pourquoi tu me disais ça ? Sur ce ton. Ces menaces… pourquoi ? Ne crois pas que tu sois le seul à ne rien comprendre ; je suis aussi perdue que toi.


LE MIROIR — Je sais bien mais… je ne sais pas.


LAURE, sans faire attention à sa dernière réplique, le coupant presque — Tu aurais vu, c'était merveilleux. Il n'y avait que lui et moi, hier. Que nous deux Bon, la salle était pleine. Mais… plus rien ne comptait. Autour. Autour, du silence. Non. Du vide. Rien, plus rien. Il n'y avait que nous. Seul dans l'espace temps. Nous. Nous étions seuls. Seuls au monde. Seuls dans ce sombre shadow (1) (Un temps.) Ai-je vraiment regardé le film ? Je ne sais pas… Tim Burton n'as pas su capter mon attention. Enfin, un peu. Pas comme d'habitude. Il lui ressemblait, dans son rôle. (Un temps.) Ca n'était pas comme d'habitude. Non. (Elle accentue les mots en majuscules.) IL était là. AVEC moi. PRES de moi. (Silence. Puis brusquement.) Tu crois qu'il voit les signes que je lui fais ?


LE MIROIR, simultanément au laïus de Laure — Tout de même ! Être un miroir, et pouvoir raisonner ! Et entendre résonner ses paroles, et ainsi s'entendre raisonner ! Mais c'est merveilleux ! Enfin… je ne sais pas si c'est normal. Mais… c'est si peu naturel que… j'en perds ma voix. Voix que je n'ai jamais eu jusqu'à présent. (Un temps.) En fait, je me demande si mon créateur, ou si la machine chargée de mon assemblage, savait que je parlerais, ou qu'il créait un miroir bavard. Non. Qui parle. Parce que je suis timide. (Laure se tait.) Que voulez-vous ? Quand on est timide, c'est dur de parler. Et, quand on parle, une fois lancé, du moins… ça part tout seul. Une vraie pipelette qui… (Il s'interrompt, s’apercevant que Laure ne parle plus depuis un moment déjà. Il se remémore rapidement ce qu'elle disait, vu qu'il avait tout de même entendu son discours, du moins vaguement. Mais il est aussi multitâche que l'est un humain ; il lui répond simplement:) Je ne sais pas.


LAURE — Tu ne sais jamais rien toi… (Un temps. A elle-même: ) C'est à se demander s'il m'écoute ! Ma foi, c'est un miroir après tout ; ce n'est pas dis qu'il puisse m'entendre. A-t-il des oreilles ? Je n'en vois pas… pourtant, il n'a pas de bouche non plus. Ma foi, c'est étrange. Mais continuons. (Plus haut: ) Moi non plus. Remarque. (Un temps.) Pourtant j'ai l'impression… (Silence.) Sans parler de… (Silence.) Puis il y a… (Silence. Elle frissonne.) Et ce mendiant… il m'en donne encore des frissons… Il est arrivé, comme ça. Sorti de nulle part. Et cet air cruel peint sur son visage, on aurait dis… je sais pas en fait. Et puis, il y avait ses paroles. Je ne comprends toujours pas ses paroles. Aucun sens. Non. Aucun. Et je ne les comprends toujours pas. Du tout. Pourquoi leur chercher un sens ? Ca ne sert à rien. Et puis, à quoi bon assigner à ses mots des significations ? Ce ne sont que des mots. Après tout. Des mots. Rien de bien important. Qu'est-ce qu'un mot. Rien. Une partie de phrase. Insignifiant. Ca porte rien en lui. Comment savoir s'il utilise un sujet ou un complément ? On ne peut pas ! Sans le contexte du mot, non, impossible ! Alors pourquoi s'entête-t-on à nommer ce qui nous entoure, et à expliquer… tout le temps expliquer… Mais nous nous mentons ! L'arbre n'est pas arbre, le mendiant n'est pas mendiant et je ne suis pas humaine ! Nous ne sommes rien… (Un temps. Puis dans un souffle.) Rien… (Un temps.) Mais pourquoi ces mots ? Pourquoi tant de mots ? Ces ordres innombrables qui hantent les ouvrages lettrés de chaque civilisations les plus avancées, ces dictionnaires toujours plus gros les uns que les autres, où des vieillards, qui n'ont que ça à faire, font entrer encore plus de mots chaque jours, chaque mois ! Pourquoi « clavarder » quand on peut tout simplement dire « bavarder par le clavier » ? Et je passe les anglicismes, et je passe les dialectes locaux de ces gens du suds, ou de ces gens de l'est… (Un temps.) Ou de ces gens d'ici ! Parce que, figures-toi que, ces mots, ceux dont je parle depuis tout à l'heure déjà, ce ne sont même pas les mêmes en-dehors de chez nous ! A quoi bon ? On ne se comprend pas, avec nos pareils. Qu'on ait les mêmes mots ou pas ! Peu importe. On ne se comprend pas. (Un temps.) Problème d'équivalences. C'est possible. En fait, je n'arrive pas à réfléchir.


LE MIROIR — Tu ne sais pas réfléchir.


LAURE, qui ne l'entend pas — C'est perturbant tout cela. Toutes ces choses qui se bousculent ainsi dans ma tête ! Je n'y étais pas habituée, avant. Lui, si. Mais lui… Lui ! Oh ! A croire qu'il est fait pour lire et écrire. C'est à se demander si un jour il réussira. J'espère que oui. Ca ne fait aucun doute ! Vu qu'il a déjà pris conscience de tout ça, alors que d'autres… alors que d'autres prennent des pierres pour le lapider ! Barbares !


LE MIROIR — Quand on détient un savoir, il vaut mieux le garder pour soit. C'est vrai, tu en as la preuve ; quand on le partage, soit on nous assassine pour le récupérer, soit on le rejette avec la force de conviction de notre morale suprême et suprêmement ignorante. Il n'aurait pas dû prendre Descartes au mot près. C'est de sa faute.


LAURE, sourde encore — Franchement, ces gens… (Elle s'exclame: ) Ecce hominis ! (Un temps.) Seul cet intrus semblait nous comprendre. (Silence.) Lui, celui qui est arrivé, surgit de nulle part… (Un temps.) Il y avait ce mendiant.


LE MIROIR — Je sais.


LAURE — Qui te l'a dit ?


LE MIROIR — Je suis ton reflet.


LAURE , après un temps — C'est vrai… (Silence.) C'est vrai… (Un temps.) Aussi…


LE MIROIR — Ca te tracasse ?


LAURE — De quoi ?


LE MIROIR — Ca.


LAURE — Que tu le saches ?


LE MIROIR — Ce qu'il t'a dit.


LAURE — Qui ça ?


LE MIROIR — A ton avis.


LAURE — Maxime . (Silence. Le miroir ne répond pas.) Ah… le mendiant… (Elle va vers la table, repose son peigne.)


LE MIROIR, après un temps — Tu es fatiguée.


LAURE, retournant à sa place, devant le miroir — Je sais. (Un temps.) Trop excitée pour dormir. Je pense.


LE MIROIR, ironique — Tu penses ? C'est bien. Réalise. Maintenant…


LAURE, sans l'entendre — Ou alors trop inquiète… (Un temps.) Saloperie de mots. La philosophie et la philologie ne suffisent plus, il faut interpréter. Tout le temps. Mais on n'y arrive pas toujours. (Un temps.) Je suis pas forte. En philo. Je comprends pas les textes. Mots trop difficiles. Enfin. (Un temps.) Voilà quoi. (Silence.) J'ai pas sommeil. Et je parle. A un miroir. Mon miroir. (Un temps.) Dis, tu es magique ? (Il ne répond pas.) Je suis sotte.


LE MIROIR — Oui.


LAURE — Que tu sois magique ?


LE MIROIR — Que tu sois sotte.


LAURE, sans l'entendre — Mais je ne comprends pas… (Un temps.) Je suis heureuse, et, cette joie, je la lui dois. Oh Maxime, tu es mon bonheur ! Ce n'est pas le Bonheur qui m'a envahi. Non. C'est toi. Maxime. Rien que toi. Tu es partout. (En touchant son corps: ) Tu es là, ici, ou là encore. Tu es moi. Je suis toi. C'est… magique… (Un temps.) Et pourtant…


LE MIROIR, résonnant dans le théâtre, tel un écho du destin — Et pourtant…


LAURE — Je ne sais pas… je doute… douter… (Un temps.) Rêver. Je dois rêver. (Un temps.) C'est nouveau, tout ça… (Un temps. Enervée: ) Encore des mots. Du vent. Un souffle. Des vibrations de corde vocales. Des cris. (Criant.) De viles cris d'animaux ! Et ça se croit supérieur, parce que ça sait parler ? (Plus doucement.) Ces mots… tout ces mots… (Un temps.) Non. Ca ne l'est pas. Je ne rêve pas. (Un temps.) J'aime.


LE MIROIR — Tu doutes.


LAURE, offusquée — Je t'interdis ! Arrêtes de parler, de me mentir ! Tais-toi ! Tes énigmes… elles ne veulent rien dire ! Je ne sais plus… je ne sais pas ! Tais-toi ! Laisses-moi ! Oublie-moi ! Je… je… (Silence. Nostalgique: ) Je vole. Il est doux. Léger. Candide. Beau nuage, transporte moi. Loin. Loin. Tout là-bas. Emmènes-moi ! Je le vois ! Il est là ! Déposes-moi en ses bras, qu'il me serre contre lui. Que je sois près de lui. Avec lui. Encore. Un peu plus longtemps. Encore un peu. Encore. Toujours. Un peu. (Un temps. S'écrie soudainement: ) Ô mon Poëte ! Ô mon Prince charmant ! (Elle se reprend.) Je souris bêtement en pensant à lui… Cela fait déjà trois jours… (Un temps. Puis comme un écho: ) Trois jours… (Un temps.) Déjà… (Rêveuse: ) Elle fut sublime, cette journée. Idéale. Admirable. Ineffable. Inouïe. Apothéotique. (Un temps.) Enivrante. Enchanteresse. Féerique ! Ô Journée cabalistique sur mon être ! (Un temps.) Et tu es passée. Déjà. Tu n'es plus. (Un temps.) Tu es passé, aujourd'hui. Et demain, tu seras souvenir… qu'une simple image dans les anales de ma mémoire… (Silence.) Je tourne en rond, là. Sans rien faire. Dans ma chambre. (Un temps.) Je parle. Seule. J'attends. (Un temps.) J'attends demain. Demain. Demain. Pour le revoir. Revoir Maxime. (Un temps.) Je suis amoureuse… (Un temps.) N'est-ce pas ? (Le miroir ne répond pas.) C'est cela, l'Amour ? (Le miroir ne répond pas.) Mais réponds ! (Le miroir reste muet. Elle s'énerve, retourne devant le miroir. Le secoue. Rien n'y fait. Elle recule. Fait des gestes dans tout les sens. Son reflet n'apparaît pas. Elle soupire, saute sur son lit. Après un moment: ) Le bonheur mon monte à la tête… Comment un miroir pourrait-il me répondre ? Pourquoi parlerais-je à un miroir ? Ca ne parle pas, un miroir. Non. Ca parle pas. C'est ce que je pensais. A qui parlais-je alors ? (Comme à elle-même: ) Oh ces mots… ça me monte à la tête… (Un temps.) C'est impossible. (Silence. Elle s'est endormie. La lumière baisse. Elle gesticule quelque peu. Puis, d'un coup, — en même temps la lumière se ravive soudainement pour accompagner le mouvement qui suit, — elle se redresse et crie: ) Mon Maxime !


Elle s'endort.


LE MIROIR, seul, vu que Laure est endormie — Un miroir ne sait ni écouter ni parler. Tant de jeunes femmes défilent devant nous en nous demandant « Dis-moi, mon beau miroir, qui est la plus belle d'entre toutes ? ». Seulement, nous ne les regardons pas. Ou plutôt, nous ne les voyons pas. On ne fait que ce pourquoi nous avons été créé et nous sommes tels que nous avons été fabriqué. Que suis-je réellement ? Miroir. Conceptuellement ? Objet constitué d'une surface polie — d'abord de métal, aujourd'hui de verre étalé — qui sert à réfléchir la lumière, à refléter l'image des personnes et des choses. Imaginairement ? Ton fidèle ami qui accepte de te montrer tel que vous êtes, alors que tes ami(e)s, eux, te mentiront pour ne point te chiffonner. Moi, je suis sincère et direct ; je ne passe pas par quatre chemin. Par ailleurs, je sais tout. Je suis tout. Je suis toi et ne l'est pas. Je lis tes pensez comme je lis ton apparence. Je te renvois ton image, fidèle, mais je te renvois aussi l'image de toi par rapport au regard que tu portes sur toi-même toi-même. Je suis le seul être capable de te railler sans être entendu de toi, le seul qui peut se le permettre sans craindre d'oreilles indiscrètes, car je ne parle pas. Je peux être aussi cruel que ce non-être de mendiant. Tout comme je peux être aussi doux que ce Maxime que tu aimes tant. Si je le veux. Et oui ! (Rire inquiétant.) Je suis l'Infini ! Et l'Infini se reflète en moi. (Rire inquiétant et plus sonore que le précédent.) Mais cela ne dit toujours pas qui je suis. Non. Suis-je un rêve ? Je suis réalité. Suis-je réalité ? Je suis un rêve. Finalement, je ne peux réellement t'aider à me comprendre, à te faire saisir mon essence. Mon principe ? Je n'en ai aucun. L'imagination peut-être. Sûrement, même. Parce que le concept, qui est avant ce mot vide de tout sens, c'est l'homme qui l'invente. Et, pour l'inventer, il lui faut imaginer. Il lui faut nous rêver. C'est ainsi que les choses ont toujours été, et c'est ainsi qu'elles le seront encore et toujours. Cela est aussi valable pour moi.


Extinction des lumières. Rideau.

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« C'est au poëte qu'il est donné de descendre dans les profondeurs les plus intimes de l'âme et de dévoiler ses mystères. […] C'est que le poëte est le premier qui ouvre la bouche à sa nation, et vient en aide à sa pensée en lui donnant une forme dans le langage. »

Hegel



Dernière édition par Frollo le Lun 15 Juil 2013 - 21:54, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une vie [titre provisoire]   Une vie [titre provisoire] EmptyLun 15 Juil 2013 - 21:50

 ACTE II
~Le Bac, ou la scène disloquée~


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NELL (sans baisser la voix). — Rien n'est plus drôle que le malheur, je te l'accorde. Mais —
NAGG
(scandalisé). — Oh !
NELL. — Si, si, c'est la chose la plus comique du monde. Et nous en rions, nous en rions, de bon cœur, les premiers temps. Mais c'est toujours la même chose. Oui, c'est comme la bonne histoire qu'on nous raconte trop souvent, nous la trouvons toujours bonne, mais nous n'en rions plus.




Samuel Beckett, Fin de partie.




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