Je ne savais où mettre cet écrit car apparemment la rubrique n'existe pas
Soudain, je perçois une sensation étrange de flottement, un peu comme lorsqu’enfant la tête tournait après m’être enivrée de virevolte.
J’attends que s’arrête la valse des murs.
Surtout, ne pas fermer les yeux car le vertige alors reprend de la force. J’ai l’impression bizarre d’avoir perdu de la consistance. Les bruits m’arrivent assourdis, cotonneux.
Je pars, je sens que je pars.
Mon corps se dérobe sous moi et ma tête heurte le plancher de faïence bleue de la cuisine.
Je vais m’accorder le temps de reprendre mes esprits, et je reste étendue, une jambe repliée sous moi, le genou douloureux.
Mon regard s’obscurcit et des taches violettes et sombres pulsent sous mes paupières, avec parfois des éclairs d’un rose-corail, d’une intense luminosité.
Trop loin pour atteindre la Trinitrine, que j’aperçois sur le poste de télévision me dis-je
Celui-ci est allumé mais, de l’endroit où je me trouve, je ne vois que le haut du visage du présentateur de la roue de la chance.
Lorsque le téléphone a retentit, j’étais à cent lieues de penser que la voix qui m’appelait était celle de ce présentateur. J’ai eu brusquement chaud et froid dans tout le corps et mon cœur s’était mis à galoper comme un cheval d’obstacle.
Je venais d’être tirée au sort et une somme conséquente était ma propriété à présent !
J’avais, je me souviens, envoyé à la route de la chance un SMS, sans même espérer être choisie mais, simplement, parce que j’avais encore en main mon portable. Mon fils venait de me raccrocher au nez car je n’avais pas cédé à ses requêtes sempiternelles de demandes d’argent. Je l’avais trop gâté « mon petit », lui passant tous ses caprices car, de santé déficiente, il savait jouer sur la corde sensible et sur ma peur.
Il souffrait depuis plusieurs années de crises effroyables de violence suivies de prostration où je le retrouvais regardant fixement le mur en balançant son corps d’une manière saccadée que rien ne pouvait interrompre.
Schizophrénie ; le mot avait été lâché alors qu’il n’avait que quinze ans après qu’il eut tout cassé dans la maison pris par une crise de bouffée délirante.
Dans ma tête repassent les images de ce moment, où tout à balancé dans l’horreur. C’est cette année là aussi que mon cœur a lâché lors d’une altercation plus violente que les autres où Julien avait voulu m’étrangler. Pourquoi ? Je ne m’en souviens pas car les crises furent si nombreuses et pour des prétextes si différents les uns que les autres que je les mélange un peu.
Les voisins avaient appelé police-secours et ce sont deux ambulances qui nous ont pris, Julien et moi et emmenés dans des hôpitaux différents.
Le froid du carrelage commence à envahir mon corps. Cet étau dans la poitrine ne lâche pas sa prise. J’ai du mal à respirer car une douleur transfixiante m’oblige à économiser mon souffle.
Je n’ai aucune possibilité d’avertir mes voisins. Ce sont les vacances d’été et je demeure seule dans l’immeuble.
Gardienne ou concierge, comme l’on dit. Je reste pour arroser les fleurs, garder le courrier, les clés, les chats….mais seule, désespérément seule, dangereusement seule en cet instant où tout se brouille à ma vue.
Je ne vais tout-de-même pas crever là, au secours, au secours.
La peur panique m’envahit maintenant car ne répond que le silence.
Economiser mon souffle et mes forces, voilà l’unique objectif…
Je ferme les yeux…
Tout devient bleu-mauve autour de moi. Je valse et je ris, je revois maman, ses mains sur les hanches, attendant le retour de papa après sa tournée des bars. J’entends le bruit du battoir sur la pierre polie, à la rivière, la tête de porcelaine éclatée de ma poupée, parce que je voulais voir comment elle pouvait fermer ses paupières, puis la campagne en été. Je sens même l’odeur du foin coupé, des roses de mai, des senteurs de mon corps que je respirais lorsque j’étais petite…cela défile à toute vitesse. Je suis happée par un grand trou noir. Je…..
C’est trop bête de mourir ainsi… c’est vraiment trop bête, saleté de vie !