philippe de neuville Grimoirien
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| Sujet: EPITAPHE DE HUGUES SALEL Dim 8 Mar 2009 - 23:21 | |
| EPITAPHE DE HUGUES SALEL
Les rochers Capharés (où l'embusche traitresse De Nauple fit noyer la flotte dompteresse Du mur Neptunien, quand l'ireuse Palas Destourna son courrous d'Ilion sus Ajax) Te devoient faire sage, et te devoient aprendre Salel, à plus n'oser le sang troyen espandre, Et ne rensanglanter tes vers au sang des filz De tant de puissans Dieus à Troye desconfitz. Non pour autre raison aveuglé fut Homere, Que pour avoir de neuf refraichi la misere Des malheureus Troyens, et pour avoir encor, Par ses vers retrainé la charongne d'Hector, Pour avoir renavré la mole Cyprienne, Pour avoir ressouillé la poudre Phrygienne Au sang de Sarpedon, et pour avoir laissé Encor Mars ressaigner, de sa plume blessé. A toi, ainsi qu'à lui, les Dieus ont eu envie, Qui favorisoient Troye, et t'ont coupé la vie Au meillieu de tes ans, de peur qu'une autre fois Hector ne fût r'occis par les vers d'un François. Mais bien que mort tu sois au plus verd de ton age, Si as tu pour confort gaigné cest avantage, D'estre mort riche poete, et d'avoir par labeur Le premier d'un grand Roi merité la faveur : Qui chassa loing de toi la pauvreté moleste A la troupe des Sœurs, dont la race celeste Peut leur sert aujourdui, que cliquetans des dens Que d'un pâle estomach affamé par dedans, Que d'un œil enfoncé, que toutes desolées De fain, parmi les bois n'errent eschevelées. FRANCOIS, le premier Roi des vertus, et du nom, Prenant à gré d'ouir l'Atride Agamenon Parler en son langage, et par toi les gensdarmes De Priam, son ayeul, faire bruire leurs armes D'un murmure françois, Prince sus tous humain, Te fit sentir les biens de sa Royale main, Et le fit à bon droict, comme à l'un de sa France Qui des premiers chassa le Monstre d'Ignorance Et de qui le sçavoir avoit bien merité D'être d'un si grand Roi si doucement traicté. Ainsi toi bienheureus, si Poete heureus se treuve, Plus dispos, et plus gay, tu traversas le fleuve, Qui n'est point repassable, et t'en allas joyeux Rencontrer ton Homere es chams delicieus, Où sur des bancs herbus ces vieus Peres s'assisent Et sans soing, de l'amour parmi les fleurs devisent Au giron de leur dame : un se couche à l'envers Sous un myrte esgaré, l'autre chante des vers, L'un luitte sur le sable, et l'autre à l'escart saute Et fait bondir la bale, où l'herbe est la moins haute. Là, Orphée habillé d'un long sourpelis blanc Contre quelque Laurier se repousant le flanc Tient sa lyre cornüe, et d'une douce aubade En rond parmi les prés fait dancer la brigade. Là, les terres sans art portent de leur bon gré L'heureuse Panacée, et le rosier pourpré Fleurit entre les lis, et sur les rives franches Naissent les beaux oeilletz, et les Paqrettes blanches. Là, sans jamais cesser, jargonnent les oiseaux Ore dans un bocage, et ores pres des eaus, Et en tout saison avec Flore y souspire D'un souspir eternel le gracieus Zephire. Là, comme ici n'a lieu fortune ny destin, Et le soir comme ici ne court vers le matin, Le matin vers le soir, et comme ici la rage D'acquerir des honneurs ne ronge leur courage. Là, le bœuf laboureur, d'un col morne et lassé Ne reporte au logis le coutre renversé, Et là le marinier d'avirons n'importune Chargé de lingos d'or, l'eschine de Neptune, Mais oisifz dans les prez tousjours boivent du ciel Le Nectar qui distille, et se paissent de miel. Là, bienheureux Salel (ayant à la nature Payé ce que luy doit chacune creature) Tu vis franc de la mort, et du cruel soucy Tu te moques là bas, qui nous tormente ici : Et moi chetif, je vy ! et je traine ma vie Entre mille douleurs, que la bourrelle Envie Me suscite à grand tort, de pincemens cuisans Me faisant le joüét d'un tas de mesdisans Qui dechirent mon nom, et ma gloire naissante (Dieus destournés ce mal !) par leur langue mechante. Ah France, ingrate France, et fault-il recevoir Tant de derisions, pour faire son devoir ? Envoye de là bas (mon Salel) je te prie Pour leur punition quelque horrible Furie, Qui d'un foüét retors de serpens furieux Leur frape sans repos et la bouche et les yeux, Et d'un long repentir leur tourne dedans l'ame Ici mon innocence, et là le meschant blasme Qu'ilz commettent vers moy, et frayeur leur donnant La nuict, de mille horreurs les aille espoinçonnant. Et toi, Pere vangeur de la simple innocence, Si j'ay d'un cœur devot suivy des mon enfance Tes filles, les neuf Sœurs, si je suis coustumier Tousjours mettre ton nom dans mes vers le premier, Tonne là hault pour moy, et dardant la tempeste Escarboille en cent lieus le cerveau de leur teste, Signe de ta faveur, et ne laisse outrager Si miserablement les tiens, sans les vanger.
Pierre de Ronsard, Le Bocage (1554)
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