Il était une fois un petit bonhomme qui s’appelait le petit Poucet. Le Petit Poucet s’appelait le petit poucet parce qu’il n’était pas plus grand qu'un pouce.
Ce pauvre enfant vivait dans une famille de bûcherons, très pauvres. Mais ce n’était pour l’enfant pas un problème. Habitué aux bonheurs simples, l’enfant ne se plaignait jamais du manque de moyens, et chaque matin, voir le soleil se lever par l’une des rares fenêtres de la mansarde suffisait pour remplir sa journée d’un rire nouveau. Seulement, le père était un homme ignoble. Grand, fort et sale, son odeur suffirait à éloigner de la maison toute sorte d’animaux sauvages, ses cris aussi. Chaque soir, rentrant épuisé de son labeur, l’homme libérait ses muscles, et se détendait en frappant sa femmes, et ses enfants. Les marques bleues qui marquaient leurs corps témoignaient de leur souffrance quotidienne. un jour, le petit poucet décida de devenir grand. Le soir, après leur séance de torture, il appela discrètement ses 7 frères, et leur fit un discours improvisé. mais quand les paroles viennent du coeur, rien ne peut les arrêter. “Nous sommes tous des êtres humains, mes frères. Et ensemble, rien ne nous arrêtera. La liberté ne peut être limité, quand la justice la soutient.
Un cri de vengeance, aussitôt étouffé, s’éleva parmi les enfants. Tout approuvaient les propos révolutionnaires de leur frère, et des volontés sanguinaires s’emparaient soudain d’eux. Élevant à nouveaux la voix, le petit Poucet appela alors à la tolérance, et à l’entraide. Une petite séance de psychologie s’en suivit, afin d’expliquer à tous les raisons du comportement du père.
“Vous connaissez la guerre?” Ce mot ignoble, dans la bouche d’un enfant, était connoté d’horreur et d’un trop grande expérience pour un si petit âge.
L’enfant continua. “La guerre, c’est l’Enfer sur terre. Les hommes se rassemblent, et se tuent. Ils bombardent, ils mitraillent, et usent de leur imagination. non pas pour créer, mais détruire. La guerre, c’est un monde dans lequel l’humain n’existe plus. La haine est reine, et règne partout. un jour, père y est parti. Il a marché, puis est monté dans un train avec pleins d’autres hommes. Parmi eux, 1 397 800 pères, frères, ami ou proches ne reviendraient pas. Les jours sont passés, sous les bombes et les cris, le bruit et le ciel gris. La Mort était leur amie, la boue et les rats leurs compagnons. Père a vécu là-bas. Il était jeune. Son visage n’était pas encore abîmé par le temps. Père a appris à vivre, ou survivre. Père est mort dans les tranchées. Cet homme est revenu auprès de mère, en vie, mais sans âme. Il a pensé, il n’a pas dormi, il a ruminé sa souffrance. Et puis enfin, a pensé qu’elle était sans doute la meilleure façon d’apprendre la vie. Apprendre à souffrir. C’est ce qu’il veut faire, tous les soirs, quand il rentre.”
Lorsqu’il se tu, Petit Poucet vit les 6 paires d’yeux qui le regardaient, incrédules.
Les larmes dans son faible regard, terni par un coup mal reçu, l’enfant continua.
“Parfois, le soir, je l’entend pleurer. Parfois, ses larmes arrosent la terre de la forêt. Père nous aime, mais mal. A t-il jamais su aimer? Il avait à peine plus de notre âge, pour partir en Enfer. Quatre années, qui ont scellé sa vie, celle de mère, et la nôtre aussi.”
Un court silence suivit, avant que l’enfant ne reprenne la parole. Au creux de son lit, cette nuit, ses mots allaient changer des vies.
“Venez avec moi. Suivez moi dans la forêt. Ce sera le chemin de nos vies. Ensemble, mais séparément, nous marcherons.”
-Comment faire? demanda l’un des frères, il fait noir sur le chemin de la vie. Nous l’avons assez vu avec Père! L’inconnu ne serait-il pas pire que le connu, aussi cruel et difficile soit-il?
Ces paroles semèrent le doutes dans le coeur des 6 enfants. Mais le Petit, lui, avait une lumière en lui. Aussi petit était il, aussi infime sur ce chemin, il croyait en demain, et en ce que l’avenir lui offrirait.
“Suivez-moi, et nous le découvrirons ensemble.”
Sa petite voix, ses petits pieds sur le pas de la chambre des enfants, ses petites respirations, tout en lui trahissait cette impérieuse envie de vivre.
Alors, les 7 frères sortirent sur le chemin noir de la vie, cette nuit. Et le Petit Poucet prius avec lui ses fameux cailloux. Des pierres pures et petites, comme lui, mais bien voyantes dans la sombreur de la nuit.
Interloqués, ses frères demandèrent alors:
“Quel intérêt à tes pierres! Oublions le passé, comme tu nous l’as dit, et pensons à ce beau lever de soleil qui va arriver bientôt sur nos vies! “
Mais le petit Poucet au grand coeur répondit avec son air rêveur, après une courte hésitation “Je ne veux pas oublier d’où je viens. Mon histoire m’a formé, et je suis l’enfant d’une famille. Nous ne venons pas de nulle part. un jour, peut être, nous aurons besoin de revenir ici. Je veux garder un lien, dans mon coeur, de cette maison délabrée. je veux me souvenir de cette clairière, de ces vieux arbres et de ce ruisseau.”
Regardant tous ses frères, le Petit Poucet ressentit un frisson de fierté. L’odeur de la liberté, de cet espace grandiose qui s’offrait à lui, tout était si nouveau, si effrayant. Mais aussi, si excitant!
Alors, sur le chemin de la vie, les frères s’aventurèrent. Ils découvrir d’autres forêts, d’autres lacs, et d’autres masures. Ils virent d’autres visages, d’autres amours, et d’autres violences, aussi. Les nuits et les jours se sont succédés, les bonheurs malheureux, et les surprises du destin.
Les frères n’ont pas subi la vie. Ils l’ont prise à pleine mains, dirigée dans le sens qu’ils l’entendaient, et laissé faire son chemin aussi. Tout cela par le coeur d’ange, la voix douce et l’âme en peine du Petit Poucet.