De Vigny… de nos jours
Ceci n'est qu'une pale copie de « La mort du loup » d’Alfred de Vigny », je n’ai pas voulu faire avec lui une complicité dont je le sais, je n’aurais pas été à la hauteur.
J’aurais pu bien entendu, changer toute la teneur de son magnifique poème pour en faire un pastiche, mais cela eut été un affront à mon sens pour l’auteur.
Alors j’ai tout simplement voulu reprendre l’idée maîtresse de son œuvre, en tentant de la lier au retour du loup et à la chasse qui déjà est ordonnée à son encontre dans certains départements.
Ceci est donc fait en toute modestie, sans vouloir nullement tenter vainement de me rapprocher du maître.
I
Sous la lune rougie, comme au feu le tison,
Silencieusement nous foulons le gazon
Sans un bruit, aux aguets, et l’oreille tendue
Ecoutant cette aurore éclater sous la nue.
Dans l’ombre frémissante au vent frais du matin
Nous avançons légers, le fusil à la main
Comme avançaient jadis tant de hordes barbares
Conquérant peu de terre et de récoltes rares.
Puis l’un de nous, soudain, se figea à l’instant.
Au cœur du chemin creux où entre mille et cent
Il reconnut sans peine, incrustées dans la glaise,
Les traces de la bête allant toute à son aise.
Au lointain résonnait des vaches le grelot
Paissant paisiblement l’herbe tendre là-haut,
Sur le versant caché de la rouge colline
Où bêlaient la brebis et l’agnelle angevine.
Aucun trouble en ces lieux ne perturbait la nuit
Qui semblait s’en aller, à pas feutrés, sans bruit
Et seul le chant de l’onde, au loin dans la pairie
Animait le silence au gré de son envie.
Le chasseur, avisé en conclut que le loup
Sans doute fatigué, voire poussé à bout,
Avait trouvé refuge au-dedans de la roche
Qui nous semblait si loin et pourtant toute proche.
Au détour d’un sentier, les chiens marquent l’arrêt.
Les oreilles tendues tout comme le jarret,
C’en était fait de lui et sa progéniture,
Dans sa course sans fin, tout en forçant l’allure,
Il avait décidé que de nous ou de lui
Il en serait fini au terme de la nuit.
Sur la branche cassée siffle le joyeux merle
Tandis qu’en moi déjà un lourd chagrin déferle.
A portée de fusils, j’aperçois dans ses yeux
Un mélange de crainte et comme un cri d’Adieux
Qu’il lance aux louveteaux et sa belle compagne
Fidèle et si dévouée, en passant la montagne.
Le loup se tourne enfin de tous ses crocs saillants,
S’apprêtant à lutter contre ses assaillants.
Et la louve acculée, au tronc mousseux d’un chêne
Protège ses enfants comme eut fait une reine,
La maîtresse de Zeus, Léto, aux temps anciens
Pour défendre Apollon et Artémis, les siens.
Le loup avance encor les babines levées
Sur sa gueule béante et ses dents aiguisées.
Lui qui se sait perdu dans son camp retranché
Lui qui se sait vaincu en ce sombre fourré
Lance un long cri aigu sous la lune cachée
Une plainte inutile à sa mort annoncée.
Alors des coups de feu ont traversé la chair
De ce loup qui pour vous ne valait pas très cher.
Bien longtemps avant lui, la femelle est partie
Entraînant avec elle une jolie fratrie.
Dans la rosée légère en ce matin d’été
Le loup s’est allongé, pelage ensanglanté.
Les chiens, bien qu’excités, n’ont pu livrer bataille
Un loup contre un fusil ne fait jamais la taille.
Il pose enfin la tête, pour son dernier soupir
Dans l’herbe frémissante, il peut enfin mourir !
Aucun homme jamais ne comprendra sa peine
Devant la cruauté de cette engeance humaine.
II
J’ai longtemps regardé le chasseur assassin,
Qui se croyait vainqueur, mais n’était que crétin.
A abattre le loup il n’y a pas de gloire
Et vouloir s’en vanter ne serait qu’illusoire.
Alors j’ai observé par-delà les rochers
Et j’ai vu s’éloigner deux petits carnassiers
Suivant à queue leu leu une louve apeurée
Pour moi trop malheureuse et à la vie brisée.
Le temps n’est pas venu d’approcher de chez nous
L’humain n’a rien compris et se méfie des loups.
Pour très longtemps encore ils vous prendront la vie
Se comblant de plaisir pour leur mortelle envie.
J’ai honte pour vous tous, messieurs les grands penseurs,
Qui déjà donnez foi aux plus mauvais chasseurs.
Il ne se trouve ici pour le loup point de place
Où il puisse à loisir profiter de sa chasse,
Car seule la monnaie qui provient des agneaux
A valeur à vos yeux pour grossir vos magots.
Mais je le défendrai ce voyageur sauvage,
Avec l’espoir qu’un jour des êtres d’un autre âge
Partageront la terre et les monts et les vaux
En regardant jouer au loin les louveteaux !
Alors dans cet élan généreux de sagesse
Chacun pourra prétendre à un peu de noblesse.
Il me plait à rêver que ce jour est prochain,
Que le loup pourra vivre enfin libre et serein,
Chassant dans les futaies le perdreau ou la grive
Sans crainte de cet homme à l’humeur agressive.
Pagnolesque