"Bérénice" de Racine

De très beaux alexandrins, de très belles paroles. Un délice à la lecture. Mais quelle lenteur ! Quelle monotonie ! On peut comprendre ce choix sous les lumières de sa préface, mais je dois dire que cette pièce m'a bien ennuyé. Seul la beauté des paroles m'ont tenu accroché. L'action, quant à elle, est très simpliste. Je lui préfère Phèdre ou Britanicus, même si on peut discuter sur Britanicus, qui semble pas encore très abouti. Je copierai bien ici l'incipit d'Aurélien, ouvrage d'Aragon :

La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n'aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu'il n'aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait un nom de princesse d'Orient sans avoir l'air de se considérer dans l'obligation d'avoir du goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour là, mal tenus. Les cheveux coupés, ça demande des soins constants. Aurélien n'aurait pas pu dire si elle était blonde ou brune. Il l'avait mal regardée. Il lui en demeurait une impression vague, générale, d'ennui et d'irritation. Il se demanda même pourquoi. C'était disproportionné. Plutôt petite, pâle je crois… Qu'elle se fût appelé Jeanne ou Marie, il n 'y aurait pas repensé, après coup. Mais Bérénice. Drôle de superstition. Voilà bien ce qu il'irritait.

Sinon je vous renverrai à cet article très intéressant, d'où j'ai tiré cette incipit, article de Claire BADIOU-MONFERRAN intitulé Rhétorique de la monotonie dans "Bérénice" de Racine, consultable et téléchargeable sur le cite persee.fr .

Je conseille cependant la lecture de cette pièce car elle fait partie de notre patrimoine et illustre bien l'objectif de Racine de faire d'une action simple et maîtrisée la matière d'une tragédie de V actes. Ca, c'est vraiment merveilleux. On peut y reconnaître son génie, face à ceux qui sont contrains à cumuler des actions invraisemblables pour réussir à avoir une pièce complète.