Je vous laisse trouver les références poétiques que j'y ai glissé.
Il s'agit avant d'une attaque acerbe que j'ai dirigé contre certains. Ces personnes ne sont pas du forum — car nous sommes poëtes, et qui arrive, de nos jours, à perséverrer sur cette voie malgré toutes les contraintes qu'imposent nos règles classiques qui nous sont chères ? Non. Ce texte est dirigé contre des personnes que je connais personnellement, que je croise dans la vie de tout les jours.
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Je ne pensais pas l'écrire un jour. Mais, en te voyant, toi, béotien, je crois que j'ai voulu me crever les yeux. J'en ai trop vu. Trop. Et pourtant, je ne renoncerais pas. J'avancerais. J'avancerais, en la tenant écartée, cette foule de profanes ignorants. Odi profanum uolgus et arceo. Je me couperais du monde. Je m'élèverais.
Une fleur par terre. Ecrasée. Fanée. Espoir mourant. Peut-être s'élèvera-t-elle de nouveau. Peut-être sera-t-elle de nouveau écrasée quand elle pointera de nouveau. Voilà ce qu'est l'ambition, quand elle est assassinée par le vulgaire.
J'ai cru revoir, au loin, cet aigle. Il tournait. En rond autour d'un arbre. Puis il s'est stoppé. Il chuta. De marbre je me suis avancé. Le soleil m’assommait. Je suais abondamment. Mais j'avançais. C'est alors que je le vis. A l'ombre du vieux chêne, un chasseur retirait sa flèche. Plus d'aigle nulle part. Je lui demandais alors s'il savait où était passé le maître du ciel, l'oiseau de Jupiter. Il rigola atrocement en remettant sa parure de plumes. Je dégainais et abattis le sauvage. Le monstre.
Revenu dans la ville, je faillis vomir à la vue de cette masse grouillante. Une ombre me tira de cette puanteur, de ces ignares riants des personnes qu'ils avaient abattus par leurs paroles cruelles. Je la suivis donc. Jusque dans une mansarde. Là, je m'assoupis. A mon réveil, il était là. Las. Victime de quelque calvitie. Alors, prenant conscience de ma présence, il offrit à mes yeux ces tableaux parisien. Un ami entra. Un de ses amis. Impétueux. Hautain. Tout moi. Il me salua. Ragea. Puis s'installa près de la fenêtre, qu'il ferma pour ne plus entendre cette foule-là. Et, sans prendre garde à l'ouragan qui fouettait ses vitres fermées, lui, il fit Emaux et Camées. Il ragea. C'est vrai, à quoi servons-nous, nous, poëtes ? Cette foule-là, ah ! Que de rage m'envahit ! Gautier ! Rimbaud ! Musset ! A moi ! Appelons nos Muses, regagnons notre montagne et éloignons-nous de cette plaine, détournons-nous de cette plaine infertile et perdue !
Me voici dans les cieux. Je plane. Je vole. Zeus me transporte ici et là. Ah ! Quels plaisirs ont mes yeux à se repaître de l'infini ! La montagne s'approche. Est-ce là l'Olympe ? Est-ce là le Parnasse ? Des auteurs palpitantes, mes amis d'hier en moi réuni, semblaient ne point être d'accord. On m'enchaîne. On nous enchaîne. On nous bâillonne, on étouffe nos élégies. Tout est fini. Le rapace céleste alors dévore mon flanc, d'où s'écoule cette source qui l'avait nourrit. L'humanité. Mais je crois qu'elle l'a oublié. Qu'elle nous a oublié. Rejeté. Voilà ce que je suis. Comme mes confrères. Notre Père est mort, et nous le remplaçons, tour à tour, jusqu'à la mort. Agrippa est mort. Marot aussi. Musset a trépassé. Baudelaire est en bière. C'est donc à mon tour d'y goûter. A cette souffrance d'avoir voulu nourrir et offrir le savoir à l'homme.
La vie est ainsi. Mais personne ne le sait. Injuste. On le répète souvent. Trop souvent. Et pourtant, personne ne le remarque, mais elle est loin d'être injuste. Non. Elle est telle que toi, béotien, l'imagine. Tu te berces d'illusions et te plaît à détruire celles de tes pairs. Tu mérites la mort, mais vu que tu es la majorité, les éclairés, eux, sont fous. Foutus.
Les jours se passent, les siècles s'effacent. Le poëte va, le vulgus profanum reste.