De Ramsgate à Anvers (partie 2/2)

 Mais alors la fortune
Bravait tout les complots,
Et la cour de Neptune
La suivait sur les flots.

Elle ondulait sur l'onde,
Évitant chaque fois
Les dangers de ce monde,
Et enchantait les rois.

Tes grasses Néréides
Et tes Tritons pansus
S'accoudaient tout humides
Sur les dauphins bossus.

Tes pauvres adversaires,
Balayés par le vent,
Deviennent tes Corsaires
Jusqu'au Soleil Levant.

L'Océan qui moutonne
Roulait dans ses flots verts
La gigantesque tonne
Du Silène d'Anvers.

Au sein de son abîme,
Cet Océan joyeux
Dissimula le crime
Du regard des hauts cieux.

Pour ta Flandre honorée,
Son nourrisson divin
A sa boisson ambrée
Donna l'ardeur du vin ! —

Voici notre rivage,
Nous voilà revenus,
Loin de l'île sauvage,
Nous voici parvenus.

Des cieux tu fis descendre
Vers ce peuple enivré,
Comme aux êtres de Flandre,
L'olympe en char doré.

Passèrent les années,
Reste le souvenir
De ces belles journées
Que l'on revoie partir ;

Joie, amour et délire,
Hélas ! trop expiés !
Les rois sur le navire
Et les dieux à leurs pieds ! —

Adieux lointaine terre
Aux horribles cités !
Je quitte ton mystère
Et tes airs effrontés.

Adieux splendeur finie
D'un siècle solennel !
Mais toi seul, ô génie !
Tu restes éternel.

Adieux onde troublée,
Tu restes dans mon cœur !
L'accablante assemblée
M'arrache de mon heur.